La fraude à la carte bancaire

En 2021, dans son rapport annuel, l’Observatoire de la sécurité des moyens de paiement soulignait que la carte de paiement, qui reste le moyen de paiement privilégié des Français (utilisé dans près de la moitié des transactions scripturales), supporte plus de la moitié de la fraude aux moyens de paiement scripturaux émis en France.

« En 2021, la fraude aux transactions scripturales s’est élevée  à 1,242 milliard d’euros, en hausse de 8,5% à méthodologie et périmètre constants, pour 7,5 millions d’opérations  frauduleuses,

Le chèque reste le moyen de paiement le plus fraudé avec une part dans les montants fraudés qui diminue toutefois à 37 % en 2021 contre 42 % en 2020, en raison d’une  nouvelle approche de la fraude plus proche de la réalité  des préjudices subis. La part de la carte bancaire – retraits compris

– reste stable à 37%, à égalité avec le chèque, malgré une  évolution des flux vers les canaux plus risqués de vente sur Internet »

La carte bancaire – retraits compris – concentre toujours la majeure partie du nombre de transactions fraudées.

Les victimes de la fraude à la carte bancaire subissent majoritairement un  « hameçonnage » encore appelé « phishing », technique de fraude par laquelle le fraudeur se fait passer pour un organisme (tel qu’une banque, le service des impôts, la CAF, etc.), en utilisant le logo et le nom de cet organisme et envoie un mail demandant généralement de « mettre à jour » ou de « confirmer des informations à la suite d’un incident technique », notamment les coordonnées bancaires (numéro de compte, codes personnels).

La victime reçoit un courriel du fraudeur se présentant comme émanant de l’opérateur téléphonique et communique des informations relatives à son compte chez cet opérateur, permettant à ce dernier de mettre en place un renvoi téléphonique des messages reçus de sa banque, ainsi que ses nom, numéro de carte de paiement, date d’expiration et cryptogramme figurant au verso de la carte.

Quelque temps plus tard, la victime reçoit, sur son téléphone portable, deux messages lui communiquant un code à six chiffres dénommé « 3D Secure », destiné à valider deux paiements par internet qu’elle n’avait pas réalisés. Pressentant la fraude, elle s’empressait de faire opposition à sa carte bancaire auprès de sa banque et sollicitait le remboursement des sommes prélevées insidieusement.

Or, face à son aveu de la communication de ses données, la banque s’opposait à toute demande de remboursement des sommes au motif que la victime aurait ainsi commis une négligence grave dans la conservation des dispositifs de sécurité personnalisés mis à sa disposition.

Le juge de proximité, saisi en première instance, refusait de tels arguments émanant de la banque en retenant que, si la victime avait communiqué volontairement les informations relatives à sa carte de paiement, celles-ci avait été détournées à son insu, car communiquées à une personne se présentant sous une fausse identité, et qu’elle n’avait communiqué ni son code confidentiel, ni le code 3D Secure.

La Cour de cassation ne l’entendait pas ainsi et fit droit au pourvoi interjeté par la banque en affirmant que le juge de proximité aurait dû rechercher, au regard des circonstances de l’espèce, si la cliente n’avait pas pu avoir conscience que le courriel qu’elle avait reçu était frauduleux et si, en conséquence, le fait d’avoir communiqué son nom, son numéro de carte bancaire, la date d’expiration de celle-ci et le cryptogramme figurant au verso de la carte, ainsi que des informations relatives à son compte chez l’opérateur téléphonique permettant à un tiers de prendre connaissance du code 3D Secure ne caractérisait pas un manquement, par négligence grave, à ses obligations mentionnées à l’article L. 133-16 du Code monétaire et financier.

Cette décision s’insère dans le sillage des principes textuels et jurisprudentiels classiques (I) et apporte un éclairage pratique intéressant sur la question (II).

I – Les obligations des victimes de fraude à la carte bancaire

Ces principes concernent les obligations des titulaires de cartes bancaires (A) et la charge de la preuve de l’autorisation de l’opération par le titulaire de la carte et de la négligence grave (B).

A – Les obligations des titulaires de cartes bancaires

L’article L. 133-16 du Code monétaire et financier dispose que les obligations principales des titulaires de cartes bancaires consistant à prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés et utiliser l’instrument de paiement conformément aux conditions régissant sa délivrance et son utilisation.

Si la Cour de cassation peut parfois donner raison à l’établissement bancaire, c’est parce qu’elle considère qu’il faut observer si le fait pour la victime d’avoir communiqué son nom, son numéro de carte bancaire, la date d’expiration de celle-ci et le cryptogramme figurant au verso de la carte, ainsi que des informations relatives à son compte permettant à un tiers de prendre connaissance du code 3D Secure ne caractérisait pas un manquement par négligence grave au sens de l’article précité.

La Cour de cassation avait déjà mis en lumière les obligations reposant sur les utilisateurs de services de paiement en indiquant qu’ils étaient tenus de prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés et d’informer sans tarder la banque de toute utilisation non autorisée de l’instrument de paiement ou des données qui lui sont liées, c’est-à-dire faire opposition comme le prévoit l’article L. 133-17 du Code monétaire et financier.

Malgré l’opposition de la victime de la fraude dans les délais, celle-ci s’est vue opposer sa négligence grave pour lui refuser un remboursement des sommes payées.

Ainsi en avait d’ailleurs jugé la Cour de cassation confirmant un arrêt d’appel retenant une imprudence grave d’un client qui avait avoué aux services de police, en déclarant le vol de sa carte, qu’il avait laissé comme d’habitude cette carte dans son véhicule et son code confidentiel dans la boîte à gants dans un lieu sans surveillance, aveu et erreur fatale…

Il ne suffit donc pas de faire opposition pour espérer un remboursement, encore faut-il être vigilant !

B – La charge de la preuve de l’autorisation de l’opération par le titulaire de la carte et de la négligence grave

Il est aujourd’hui bien établi que, lorsqu’un titulaire d’un instrument de paiement se prévaut d’un remboursement dans le cadre d’une fraude et que la banque invoque une négligence grave du client, c’est sur l’établissement bancaire que repose la charge de la preuve de cette négligence alléguée.

En cela, une jurisprudence constante appliquant l’article L. 133-23 du Code monétaire et financier dispose dans son second alinéa qu’il ne suffit pas que le paiement et l’opération contestés aient été enregistrés par le prestataire de services de paiement pour prouver que l’opération a été autorisée par le client ou que celui-ci n’ait pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière.

Vont également dans ce sens les termes de la directive n° 2015/2366 du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur qui prévoit que, dans le cas de paiements en ligne, il convient que le prestataire de services de paiement soit tenu d’apporter la preuve de la négligence alléguée, le client n’ayant, dans ce cas, que des moyens limités de le faire.

En l’espèce, la preuve avait été facilement rapportée par l’établissement bancaire dès lors que la cliente « ne contestait pas » avoir elle-même répondu au courriel frauduleux et avoir ainsi transmis les informations ayant permis les paiements litigieux.

Ainsi, tout aveu du client facilite à l’évidence la tâche de l’établissement bancaire, le Tribunal prend le soin de noter que, de « son propre aveu », le client avait reconnu avoir commis une imprudence grave en laissant son code personnel à proximité de sa carte de retrait dans un lieu sans surveillance. Il convient donc d’être parfaitement vigilant lors de son dépôt de plainte quant au contenu de ses déclarations aux services de police et à sa banque.

Ainsi, si la charge de la preuve repose sur la banque, le client peut, par son aveu, grandement faciliter l’accomplissement de cette tâche…

 

II – Sur la preuve de la négligence grave par les banques et l’appréciation du Juge

A – la preuve de la négligence du client par les banques

Ainsi peut constituer une faute le fait de divulguer à un tiers, de manière intentionnelle, par imprudence ou par négligence grave, des éléments d’identification strictement confidentiels ayant permis les paiements contestés.

La Cour de cassation exige de la banque qu’elle caractérise l’existence ou non d’une négligence grave au vu des circonstances et du comportement de la cliente.

Ainsi, le fait d’avoir communiqué l’ensemble de ces données en réponse à un courriel dont la cliente aurait dû connaître le caractère frauduleux au regard des circonstances de l’espèce peut caractériser la négligence grave.

Il ne suffit donc pas de se contenter d’observer que les données communiquées par le cliente ont été détournées à son insu, car communiquées à une personne se présentant sous une fausse identité, et remarquer que la cliente n’a communiqué ni son code confidentiel, ni le code 3D Secure.

Si la tendance de la jurisprudence est plutôt protectrice des utilisateurs des services bancaires, la Cour peut aussi considérer que laisser son code personnel à proximité de sa carte de retrait dans un lieu sans surveillance constitue une imprudence grave justifiant que la banque refuse de recréditer le compte du client.

La preuve de la banque devient très simple lorsque les victimes avouent leur comportement négligent. À défaut d’un tel aveu, la mission de la banque s’avérera bien plus compliquée et dépendra à n’en pas douter de la bonne foi des clients.

  • Je ne peux donc que conseiller de contacter un avocat en droit bancaire dès la découverte de la fraude pour savoir quoi faire et ne pas commettre d’erreur dans vos déclarations à votre banque et aux services de police.
  • La banque sera particulièrement attentive à ce que vous avez déclaré dans votre plainte pénale en cas de fraude à la carte bancaire et au virement afin de l’utiliser contre vous pour chercher à démontrer votre négligence grave.

B –l’appréciation in concreto du juge dans la recherche de la négligence grave

On doit observer le rôle du juge dans l’appréciation de la négligence grave.

En effet, il est attendu du juge qu’il apprécie le comportement du client « au regard des circonstances » afin de détecter s’il a manqué aux obligations qui lui incombaient par application de l’article L. 133-16 du Code monétaire et financier.

C’est donc une appréciation subjective in concreto qui est attendue du juge, qui ne pourra donc pas statuer de façon équivalente selon le degré de « conscience » de la victime de la fraude.

Il n’est d’ailleurs pas anodin de constater que l’article L. 133-2 du Code monétaire et financier permet aux parties de déroger aux dispositions de l’article L. 133-19 du même code, selon lequel le titulaire de l’instrument de paiement supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’un agissement frauduleux de sa part ou s’il n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17, sauf dans les cas où l’utilisateur est une personne physique agissant pour des besoins non professionnels.

Ainsi, les dispositions du Code monétaire et financier révèlent en filigrane une volonté de protéger les clients fragiles et les consommateurs et justifie une appréciation plus souple pour les clients professionnels.

Ainsi, les professionnels et les clients à même d’« être conscients » d’une fraude devront se montrer vigilants d’autant que le second alinéa de l’article L. 133-16 du Code monétaire et financier tend à faire apprécier le comportement du client au vu des conditions régissant la délivrance et l’utilisation de l’instrument de paiement. Les établissements bancaires pourraient ainsi être tentés de renforcer les critères permettant d’apprécier l’obligation de vigilance reposant sur leurs clients dans leurs conditions générales.

Cela démontre la résistance persistante des banques à rembourser les sommes perdues face à la négligence de leur client dans des situations de fraude.

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Le délai de prescription de deux ans en matière bancaire

L’article L. 218-2 du Code de la consommation soumet à une courte prescription de deux ans l’action des professionnels pour les biens et services qu’ils fournissent aux consommateurs. Instituée dans l’intérêt des consommateurs, cette prescription très courte se voit conférer un large domaine d’application : la Cour de cassation en rappelle les contours dans un arrêt du 2 juin 2021 n° 20.10023 contre la CGL.

1°) La déchéance du terme du prêt prononcé par la banque

En l’espèce, une banque a consenti à un couple d’emprunteurs un prêt personnel de plus de 50.000 € destiné à rembourser des crédits à la consommation. Ce prêt n’ayant pas été intégralement remboursé, la banque a prononcé la déchéance du terme et a assigné en paiement les emprunteurs qui ont soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription.

2°)  La fin de non recevoir soulevée par l’emprunteur tirée de la prescription de deux ans

Pour rejeter cette fin de non-recevoir tirée de la prescription, la Cour d’appel retient que « le prêt, d’un montant supérieur à 21 500 €, est exclu du champ d’application des dispositions relatives au crédit à la consommation » et que « les conditions générales de l’offre de prêt énoncent que les dispositions du code de la consommation relatives à un tel crédit ne lui sont pas applicables ».

Les emprunteurs ne pouvant se référer à l’article L. 137-2 du Code de la consommation, la Cour d’appel estime que « seule la prescription quinquennale de l’article 2224 du Code civil peut être invoquée », de sorte que la demande de la banque n’est pas prescrite.

3°)  La prescription de deux ans s’applique à tout les actions entre professionnels et consommateurs

La Cour de cassation censure la décision en rappelant, au visa de l’article L. 137-2 devenu L. 218-2 du Code de la consommation que « ces dispositions, qui édictent une règle de portée générale, ont vocation à s’appliquer à l’action en paiement des sommes devenues exigibles en exécution des contrats consentis par des professionnels à des consommateurs quels que soient la nature ou le montant des prêts ».

Ce texte a vocation à s’appliquer à tous les contrats de consommation. Ainsi, la prescription abrégée DE DEUX ANS concerne toutes les actions intentées par les professionnels contre les consommateurs au titre des biens ou services qu’ils leurs fournissent, sans tenir compte de la nature des biens ou services fournis ou du montant des prêts consentis. Un consommateur peut donc invoquer la prescription biennale, alors même que l’opération de crédit sort du champ des dispositions relatives au crédit à la consommation. En définitive, le domaine d’application de l’article L. 218-2 du Code de la consommation ne recouvre pas celui du crédit à la consommation régi par les articles L. 312-1 et suivants du Code de la consommation, mais s’étend au-delà à tous les prêts consentis par des professionnels à des consommateurs.

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La fraude au conseiller bancaire et au Phishing

La fraude au faux conseiller bancaire appelée encore « vishing » qui résulte de la contraction de « voice » et « phishing », est signifie en français hameçonnage par la voix.

Ce type d’arnaque consiste à inciter les utilisateurs à partager des informations personnelles ou bancaires, par le biais d’appels téléphoniques ou de messages vocaux en se faisant passer pour son conseiller bancaire.

Il est de plus en plus fréquent que des escrocs se fassent passer pour des conseillers de banque et contactent les clients pour signaler des mouvements frauduleux sur leur compte bancaire. Ils demandent alors au client de procéder à une validation de paiement, souvent via un code reçu par SMS ou un lien envoyé par la banque, en prétendant que cela permettra d’empêcher les opérations frauduleuses en cours sur son compte. Malheureusement, il s’agit d’une tromperie, et les victimes se retrouvent involontairement à effectuer des paiements atteignant souvent plusieurs milliers d’euros, vers des sites marchands ou vers un compte à l’étranger.

Les escrocs sont de plus en plus habiles, disposant de nombreuses informations sur leurs cibles. Ils récupèrent les données personnelles des personnes qu’ils ciblent sur les réseaux sociaux et sur le darknet, l’Internet clandestin. Ils peuvent également usurper les informations des banques, y compris le nom de l’agence, du conseiller et même le numéro de téléphone, qu’ils parviennent à afficher comme étant celui de l’établissement bancaire en utilisant des centres d’appels étrangers.

La victime pense qu’il s’agit de son conseiller bancaire qui l’informe d’une tentative de fraude sur son compte alors qu’il s’agit d’obtenir des confirmations de paiement. Cette escroquerie est en recrudescence depuis l’été dernier et rapporte beaucoup aux escrocs. Les victimes sont souvent trompées par des arguments fallacieux et font confiance à ces faux conseillers, qui semblent tout savoir d’elles. Les consommateurs doivent donc rester vigilants et ne jamais divulguer leurs informations personnelles ou bancaires à des personnes inconnues.

Reste à savoir qu’elle est la législation applicable en matière d’opérations de paiement non autorisées.

1°) Rappel du droit applicable aux opérations de paiement non autorisées

Le Code monétaire et financier dispose selon l’article L. 133-24 du Code monétaire et financier que l’utilisateur de services de paiement qui constate l’existence, notamment par la consultation d’un relevé de compte, d’une opération de paiement non autorisée doit en signaler l’existence à son prestataire de services de paiement (PSP). Ce signalement doit être fait « sans tarder », et, au plus tard, dans les 13 mois suivant la date de débit sous peine de forclusion. Ce long délai sera, d’ailleurs, plus facilement admis en matière de paiement en ligne opéré indûment par un tiers.

Lorsque ce signalement est réalisé, l’article L. 133-18 du même code prévoit que la banque doit vous rembourser le montant de l’opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l’opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant. La banque est ainsi tenue de rétablir le compte débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération de paiement non autorisée n’avait pas eu lieu.

Cependant cette règle connaît plusieurs limites. En effet, selon l’article L. 133-19 du Code monétaire et financier : « le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent des agissements frauduleux de sa part ou s’il n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17 », c’est-à-dire, respectivement, au fait de devoir prendre toutes les mesures raisonnables permettant de préserver la sécurité des dispositifs de sécurité personnalisés de l’instrument de paiement utilisé, et au fait d’être suffisamment diligent pour informer le prestataire de services de paiement de la perte, du vol ou du détournement ou de toute utilisation non autorisée de son instrument de paiement ou des données qui lui sont liées. Le payeur lourdement fautif devra donc supporter les pertes résultant de la fraude.

Il en résulte que selon l’article L. 133-23 du Code monétaire et financier, c’est à votre banque, qu’il revient de démontrer l’existence de cette faute lourde. L’alinéa 2 de l’article précise d’ailleurs sur ce point que : « L’utilisation de l’instrument de paiement telle qu’enregistrée par le prestataire de services de paiement ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l’opération a été autorisée par le payeur ou que celui-ci n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière. » En d’autres termes, la seule preuve de l’utilisation des identifiants du client ne saurait suffire pour que le professionnel soit déchargé de toute responsabilité et cela à toute son importance.

De plus, l’alinéa 1er de l’article L. 133-23 impose également à la banque de démontrer, pour échapper à l’engagement de sa responsabilité, que l’opération en question a été « authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée, et qu’elle n’a pas été affectée d’une déficience technique ou autre ».

Ainsi la banque doit prouver que l’opération a été normalement passée et qu’ainsi on peut penser que l’ordre émane bien du payeur ou de l’utilisateur. Cette règle a déjà donné lieu à une jurisprudence remarquée. Celle-ci est cependant restée sans réelle incidence, la majorité des décisions n’y faisant plus référence aujourd’hui. Ainsi en général l’opération de virement au débit du compte a été authentifiée par la Banque grâce aux identifiants et code secret du titulaire du compte ainsi qu’au code à usage unique envoyé par SMS, et qu’elle a été dûment enregistrée et comptabilisée par la banque, et n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre.

Bien souvent, les banques se retrouvent dans une situation difficile pour parvenir à échapper à l’engagement de leur responsabilité en présence d’opérations contestées par le payeur, hormis aveux de celui-ci notamment lors de son dépôt de plainte qui peut être très mal rédigé et se retourner contre lui.

Les tribunaux parviennent dans certains à caractériser une négligence grave de la part du payeur lorsque l’intéressé vient à transmettre des données confidentielles après avoir été trompé par un mail, c’est-à-dire en cas de phishing. L’attitude du titulaire du compte est donc examinée en détail par les Juges au moment des faits.

2°) Sur la recherche d’une négligence grave commise par le payeur

La seule question qui se pose dans chaque litige : est-ce que le titulaire du compte à commis une négligence grave ? On rappelle que selon l’article L. 133-16 du Code monétaire et financier que dès qu’il reçoit un instrument de paiement, l’utilisateur de services de paiement doit prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses données de sécurité personnalisées. Il est dans l’obligation d’utiliser l’instrument de paiement conformément aux conditions régissant sa délivrance et son utilisation qui doivent être objectives, non discriminatoires et proportionnées.

Or, pour le Tribunal, manque à son obligation de prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés l’utilisateur d’un service de paiement qui communique les données personnelles de ce dispositif de sécurité en réponse à un courriel « qui contient des indices permettant à un utilisateur normalement attentif de douter de sa provenance, peu important qu’il soit, ou non, avisé des risques d’hameçonnage ».

 

On sait que les juges ont tendance, aujourd’hui, à retenir la négligence grave du client qui répond à un mail constituant en réalité un acte de phishing. Pour mémoire, ce dernier, dit aussi « hameçonnage », consiste à se faire remettre par les victimes contactées par des courriels non sollicités leurs données bancaires personnelles afin de les exploiter frauduleusement. Le message du délinquant prendra souvent l’habillage, plus ou moins bien réalisé, d’une page internet d’un établissement de crédit. Il sera en général demandé au destinataire, sous couvert d’un problème technique ou d’une rénovation totale du site, de mettre à jour ses identifiants, mots de passe, numéro de compte, etc. Une fois que la victime trompée aura révélé ses identifiants personnels, le fraudeur pourra accéder à son compte bancaire et en détourner les fonds par l’intermédiaire de faux ordres de virement.

Dès lors, pour pouvoir prononcer l’absence de négligence, les juges du fond doivent constater, en fonction du contexte, que la victime du phishing ne pouvait pas avoir conscience du caractère frauduleux du message reçu.

La victime devra prouver que le courriel pouvait laisser penser qu’il provenait de l’expéditeur annoncé (banque, opérateur téléphonique, etc.). Or, cette preuve sera impossible à rapporter en cas « d’anomalie apparente » entourant le message reçu.

Quelles sont ces anomalies apparentes :

– caractère invraisemblable du contenu,

– présentation grossière,

– adresse internet étrangère de l’expéditeur,

– pas le nom exact de la banque

– adresse email inhabituelle et suspecte de la banque,

–  fautes d’orthographe,

Dans ces cas, la victime ne parviendra logiquement pas à prouver la légitimité de son erreur ; sa négligence grave sera alors certainement retenue par les juges.

En recevant un courriel étrange émanant d’un expéditeur suspect, le titulaire du compte aurait du, pour les juges, se méfier et ne pas donner suite à l’invitation à valider son numéro de mobile, et au besoin contacter personnellement sa banque. En conséquence, la réponse à un mail suspect constitue une première négligence grave au sens de l’article L. 313-19, IV, du Code monétaire et financier.

Ensuite vous ne devez jamais communiquer vos identifiants et code secret permettant l’accès au compte bancaire sur internet et aux opérations sur celui-ci en utilisant des codes à usage unique pour valider des opérations que vous n’avez-vous-même jamais initiées.

Ces circonstances ressortent en général de la lecture de la plainte pénale déposée concomitamment au signalement fait à sa banque. C’est pourquoi, il faut toujours contester avoir autorisé les opérations de paiement litigieuses ou communiqué à un tiers quelques données personnelles que ce soient dans la plainte sinon la banque l’utilisera contre vous.

La banque est alors fondée à se prévaloir de l’article L. 133-19, IV, du Code monétaire et financier. La victime n’ayant pas satisfait par négligence grave aux obligations mentionnées à l’article L. 133-16 du Code monétaire et financier.

3°) L’absence de preuve de la banque sur la négligence grave de son client

Fort heureusement, la jurisprudence de la Cour de cassation retient que la preuve que l’utilisateur a agi frauduleusement ou n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave à ses obligations ne peut se déduire du seul fait que l’instrument de paiement et les données personnelles qui lui sont liées ont effectivement été utilisées.

De nombreuses jurisprudences retiennent que l’existence d’une négligence doit être prouvée concrètement, et ne peut dès lors être déduite de considérations générales abstraites sur la sécurité d’un outil de paiement ; ces décisions illustrent par ailleurs la résistance abusive de la banque qui refuse d’assurer le remboursement des opérations non autorisées par ses clients alors même qu’elle ne dispose d’aucun élément de preuve lui permettant de se dédouaner de cette obligation.

Il est ainsi nécessaire de demander à la banque de communiquer les adresses IP de connexion à son serveur pour établir que la victime est totalement étrangère aux opérations litigieuses puisqu’elle ne s’est pas connectée sur le site internet de sa banque à la même heure.

Plus encore, le seul fait que la victime ait reçu un appel téléphonique malveillant juste avant que son compte ne soit débité ne peut suffire à en déduire que ce dernier a transmis ses données de sécurité à l’auteur de la fraude au cours de cet appel, ce qu’au demeurant il conteste.

La banque doit être en mesure de produire au débat un élément objectif démontrant de façon certaine que la victime est à l’origine de la fuite de ses données de sécurité personnalisées. A défaut elle sera considérée comme défaillante dans la démonstration de la négligence grave qu’il allègue à l’égard son client.

4°) La restitution des fonds est possible même en cas de communication des codes au faux conseiller bancaire compte tenu de la manœuvre frauduleuse employée

Au surplus, même dans l’hypothèse non démontrée que le titulaire du compte a bien communiqué au fraudeur les codes reçus par SMS, le Tribunal peut considérer que le partage de ceux-ci ne saurait être qualifiée de négligence grave au sens de l’article L.133-23 du code monétaire et financier.

En effet, en étant appelé par une personne qui, connait votre nom, votre numéro de téléphone, votre banque et votre conseillère, use d’une fausse qualité, et vous alerte soudainement d’une tentative de fraude bancaire dont vous êtes actuellement victime, vous rassure et tromper votre vigilance en employant des manœuvres frauduleuses.

En outre, le SMS reçu, contenant le code à saisir pour la modification du plafond de votre carte bancaire, n’indique pas le montant du plafond qui aurait été appliqué après saisie de ce code, de sorte qu’en venant d’apprendre que votre plafond allait être baissé par sécurité, vous pouviez légitimement croire à la véracité des déclarations téléphoniques du fraudeur.

Dès lors, dans ce cas, la victime n’a pas conscience qu’elle communique ses codes au fraudeur, et non à un préposé de sa banque comme cela le lui a été indiqué, et ce quand bien même elle a été alertée précédemment d’une tentative de fraude, étant rappelé que ces faits se déroulent en général dans un court laps de temps, ce qui est propice à la manipulation en raison de l’état de panique de la victime, sur lequel compte le fraudeur pour parvenir à ses fins.

 

En conséquence, je ne peux que vous conseiller de faire appel à un avocat si vous êtes victimes d’un cas de fraude au phishing ou par un faux conseiller bancaire afin d’obtenir de votre banque la restitution des sommes prélevées frauduleusement sur votre compte.

 

 

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L’information du débiteur de la cession d’une créance au fonds commun de titrisation de créances

Lorsqu’une société de gestion entreprend de poursuivre le recouvrement des créances cédées à un fonds de titrisation, comme par exemple CREDINVEST, HUGO CREANCE 2, MARSOLLIER MORTGAGES, CASTANEA, ou CABOT SECURISATION en général qui sont représentés par sa société de gestion, la société anonyme France Titrisation ou la société EQUITIS GESTION, SAS et représenté par la société MCS ASSOCIÉS dans le cadre d’une opération de saisie attribution, la loi prévoit qu’elle doit en informer les débiteurs cédés.

La Cour de cassation précise que cette information n’a pas à être préalable aux poursuites et peut résulter d’un acte d’exécution. La solution rompt avec la jurisprudence antérieure et réduit singulièrement la portée de cette information pourtant obligatoire.

Pour la titrisation de créances, le droit français a mis en place depuis longtemps un régime de cession simplifiée par bordereau (C. mon. fin., art. L. 214-169, V), et organise spécifiquement le recouvrement des créances ainsi transmises (C. mon. fin., art. L. 214-172).

Malgré une rédaction minutieuse, ces dispositions suscitent des difficultés récurrentes qu’il revient aux tribunaux de lever par voie d’interprétation, certains opérateurs leur en offrant de multiples contentieux devant les Tribunaux. Tel est le cas, entre autres, du fonds de titrisation Credinvest ou Castanea à l’actif duquel figurent de nombreuses créances contentieuses.

En général cela débute par un prêt bancaire, un prêt immobilier ou un crédit à la consommation qui demeure impayé. Le banquier adresse un commandement de payer valant saisie puis cède sa créance au fonds de tritrisation CREDINVEST, Hugo CREANCE, intrum justitia ou CASTANEA, géré par une société de gestion et MCS et Associés. Cette dernière assigne les emprunteurs devant le juge de l’exécution afin de poursuivre la vente de l’immeuble saisi. La recevabilité d’une telle demande semblait acquise, l’ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 ayant posé en principe que le recouvrement des créances « peut être assuré directement par la société de gestion » (C. mon. fin., art. L. 214-172, al. 2)

Le débiteur ne se trouve plus en face d’un banquier ordinaire, mais d’un prestataire de services d’investissement spécialiste de la gestion d’actifs. La moindre des choses est qu’il en soit averti, et c’est précisément ce à quoi veille la loi en énonçant que :

chaque débiteur est informé de ce changement

 

La société de gestion produisait certes « la copie de courriers d’information dactylographiés, mais les emprunteurs contestaient avoir reçu ces courriers, dont les juges relevèrent qu’ils étaient produits « sans preuve d’expédition ni accusé de réception ».

En conséquence de quoi la société de gestion fut jugée « irrecevable à poursuivre le recouvrement d’une créance cédée faute d’information préalable des débiteurs ».

La Cour de cassation énonce, au visa de l’article L. 214-172 du Code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 4 octobre 2017, que l’information exigée par ce texte « pouvait résulter de l’assignation délivrée au débiteur aux fins de recouvrement (…) peu important que cette information ne lui ait pas été communiquée préalablement »

Cette décision semble priver de toute substance une formalité pourtant imposée par la loi.

 I – Modalités de l’information adressée au débiteur de la cession de créance

A – Exigence traditionnelle d’une information préalable au recouvrement

La question de l’information du débiteur cédé ne se posait pas dans la conception initiale de la titrisation, qui fut pensée comme une technique d’optimisation du bilan des banques, et non comme une modalité de recouvrement des impayés. L’opération devait emporter un déplacement du risque attaché aux créances, mais n’impliquait originellement aucun changement d’interlocuteur pour le débiteur.

L’agent de recouvrement devait se faire connaître du débiteur antérieurement à l’exercice de poursuites à son encontre.

B – Possibilité nouvelle d’une information concomitante au recouvrement

La Cour de cassation statue au visa de l’article L. 214-172 du Code monétaire et financier « dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 »,

L’ordonnance du 4 octobre 2017 n’aurait pas totalement libéralisé le recouvrement des créances cédées à un fonds de titrisation : elle a reconnu à la société de gestion un pouvoir général de prendre en main le recouvrement et donné toute liberté quant au support de l’information adressée au débiteur ; mais elle n’aurait pas prêté attention à la combinaison temporelle de ces deux éléments, et n’aurait pas affirmé clairement que l’information peut être adressée au débiteur concomitamment à l’exercice du recouvrement, et par l’acte même qui le réalise (assignation en justice, signification d’une saisie, etc.). Le législateur à l’occasion de l’adoption de la loi PACTE a ajouté que l’information devant être adressée au débiteur peut l’être « par tout moyen, y compris par acte judiciaire ou extrajudiciaire » (C. mon. fin., art. L. 214-172, al. 3). Autrement dit, la délivrance d’une assignation ou la signification d’une saisie-attribution vaut information, ce qui implique en retour que celle-ci n’a pas à être préalable au recouvrement.

Il se pourrait par conséquent que les solutions antérieures se maintiennent dans les espèces soumises au droit prévalant avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 4 octobre 2017 (fixée au 3 janvier 2018) : l’information du débiteur serait un préalable aux poursuites sous l’empire de l’article L. 214-172 dans sa rédaction antérieure, mais ne le serait plus sous l’empire de ce même texte dans sa rédaction postérieure.

 

II – Fonctions de l’information adressée au débiteur

Bien qu’elle soit conforme aux textes, la solution retenue par la chambre commerciale n’est pas exempte de paradoxe : dire que l’information peut « résulter de l’assignation délivrée au débiteur aux fins de recouvrement », n’est-ce pas d’une certaine manière priver de substance cette formalité ? Dans la mesure, en effet, où l’assignation est elle-même constitutive du « recouvrement », cela signifie qu’aucune mesure spécifique d’information n’est en réalité nécessaire. Tout cela suggère que l’information du débiteur ne conditionne pas les pouvoirs du recouvreur (A), ce qui conduit en retour à se demander si cette formalité ne pourrait pas, dans certains cas, intervenir postérieurement au recouvrement (B).

A – Indépendance des pouvoirs du recouvreur par rapport à l’information du débiteur cédé

La formalité prévue par l’article L. 214-172 du Code monétaire et financier n’a pas pour objet de donner au débiteur un dernier répit avant poursuites. D’abord, la loi n’indique aucune durée à respecter, de sorte qu’il devrait être possible de délivrer l’avertissement un instant de raison seulement avant d’engager une mesure de recouvrement ; le caractère préalable de l’information serait alors purement formel et dépourvu de portée pratique. De manière plus générale, on doit souligner qu’en droit français, le fait qu’un débiteur change de créancier n’a pas pour effet de lui ménager un quelconque répit. Il est ainsi fermement acquis que celui qui se fait céder une créance selon le droit commun peut poursuivre immédiatement le débiteur.

Ainsi une assignation en paiement, la remise de conclusions, ou encore la délivrance d’un commandement de payer valent signification au sens de l’article 1690 ancien du Code civil.

Si l’on se tourne vers le droit de l’exécution forcée, le constat est identique : l’article 503 du Code de procédure civile indique que les jugements ne peuvent être mis à exécution contre les débiteurs « qu’après leur avoir été notifiés », mais on admet que « la décision peut être exécutée dès sa notification », laquelle peut être « concomitante à l’exécution ».

Autrement dit, le débiteur doit bien être informé officiellement de sa condamnation, mais cette information produit effet de manière instantanée, de sorte que le caractère préalable de la notification des jugements est largement théorique.

Un débiteur peut donc simultanément :

– être informé du fait que la créance a été cédée,

– se voir notifier le jugement qui le condamne à payer sa dette

– se voir signifier un acte de saisie.

Lorsqu’un délai doit être laissé au débiteur c’est spécifiquement prévu par exemple en prévoyant que la saisie-vente de meubles corporels ne peut être initiée que huit jours après la délivrance d’un commandement de payer (CPC exéc., art. R. 221-10).

La société de gestion peut immédiatement opposer au débiteur sa qualité de recouvreur pour le compte du fonds cessionnaire CASTANEA, HUGO CREANCE, CREDINVEST, CABOT SECURISATION etc… et ce par l’effet conjugué de l’opposabilité immédiate de la cession aux tiers et de la désignation légale de la société de gestion en qualité de recouvreur potentiel. Si le débiteur doit être informé du changement d’agent de recouvrement, ce serait donc tout simplement pour qu’il sache à qui adresser ses paiements, et absolument pas pour que le nouvel agent de recouvrement soit effectivement investi de ses pouvoirs. En d’autres termes, l’information n’intéresserait nullement les pouvoirs de l’agent de recouvrement, mais seulement le régime des paiements réalisés par le cédé.

B – Possibilité d’une information postérieure au recouvrement

Ainsi pour résumer l’information n’est pas une condition de l’exercice, par l’agent de recouvrement, des pouvoirs qu’il détient contre le débiteur. C’est ce qu’a fait à plusieurs reprises la Cour de cassation à propos de la cession de droit commun en indiquant « le défaut d’accomplissement [des formalités prescrites par l’article 1690 du Code civil] ne rend pas le cessionnaire irrecevable à réclamer au débiteur cédé l’exécution de son obligation quand cette exécution n’est susceptible de faire grief à aucun droit advenu depuis la naissance de la créance (…) audit débiteur cédé ».

Si la Cour admet que l’information n’a pas à être préalable au recouvrement, elle ne va pas jusqu’à admettre qu’elle puisse lui être postérieure. La question ne manquera pourtant pas de se poser en pratique, car il n’est pas rare qu’une mesure de recouvrement puisse être réalisée entre les mains d’un tiers, et donc à l’insu du débiteur à qui elle n’est dénoncée que dans un second temps (par exemple : saisie-attribution, saisie de droit d’associés et de valeurs mobilières). De même, la requête aux fins de délivrance d’une injonction de payer est initiée de manière non contradictoire, le débiteur ne se voyant notifier l’ordonnance qu’une fois celle-ci rendue par le juge de l’exécution (CPC, art. 1405 et s.). Est-il possible au recouvreur d’une créance cédée à un fonds de titrisation de pratiquer de telles mesures sans s’être préalablement manifesté au débiteur ?

Il convient de se demander, à propos de la cession de droit commun, si une saisie-attribution pouvait être valablement pratiquée entre les mains d’un tiers par un cessionnaire qui n’avait pas encore notifié ses droits au débiteur cédé. La réponse est non : la cession de droit commun non notifiée n’étant pas opposable au débiteur (C. civ., art. 1324), le cessionnaire ne saurait, au jour de la saisie, se prévaloir de sa qualité de créancier. Mais, précisément, on s’accorde à reconnaître que le transfert au fonds de titrisation obéit à un régime différent, et qu’elle est immédiatement opposable au débiteur (réserve faite de la validité du paiement adressé au cédant avant information). Si l’on adopte cette lecture, le recouvreur pourrait, dès avant l’information, invoquer une qualité qu’il endosse de plein droit vis-à-vis du débiteur. Il pourrait dès lors entreprendre une mesure de recouvrement dont ne « résulterait » pas l’information prévue par l’article L. 214-172, celle-ci n’intervenant que dans un second temps, avec la dénonciation de la mesure au débiteur.

Se pose la question de la compatibilité de ces textes avec le droit européen qui semble avoir davantage d’égard pour le débiteur. La directive du 24 novembre 2021 relative aux acheteurs et aux gestionnaires de crédit, a en effet modifié la directive n° 2014/17 relative au crédit immobilier, afin d’y indiquer, dans un article 28 bis nouveau, que « le consommateur est informé de la cession [de la créance ou du contrat de crédit] sauf lorsque le prêteur initial, en accord avec le cessionnaire, continue de gérer le crédit à l’égard du consommateur ». Il n’est certes pas dit que cette information doit être préalable à d’éventuelles poursuites initiées par le cessionnaire, mais une telle interprétation n’aurait rien de fantaisiste. La directive n° 2021/2167 du 24 novembre 2021 énonce en effet, par ailleurs, que l’acheteur de crédit doit adresser à l’emprunteur une « communication » lui indiquant l’identité de son nouvel interlocuteur, et devant intervenir « avant le premier recouvrement de créances » (art. 10, 2). Le point mérite attention, car les règles nationales organisant la titrisation dans ses modalités opérationnelles peuvent difficilement ignorer les règles européennes applicables aux crédits qui en constituent l’objet.

 

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Irresponsabilité du banquier si le concours assorti de garanties exagérées n’est pas lui-même fautif

Selon l’article L. 650-1 du Code de commerce :

Lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.

Pour le cas où la responsabilité d’un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent être annulées ou réduites par le juge

Le législateur a estimé qu’un motif d’intérêt général, en l’occurrence la préservation de l’activité économique et de l’emploi, justifiait de mettre les prêteurs à l’abri de procès pour soutien abusif, afin de les inciter à secourir les entreprises en difficultés.

L’irresponsabilité des dispensateurs de crédit n’est cependant pas absolue puisqu’elle disparaît dans « les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur, ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci ».

Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs fait savoir que, sans exceptions légales au statut d’intouchables dont jouissent les établissements de crédit et autres créanciers professionnels, il n’aurait pas validé ce texte dérogatoire à l’égalité des sujets face à l’obligation de réparer les dommages fautivement causés à autrui.

La Cour de cassation a précisé le rôle exact que joue la disproportion des garanties comme circonstance pouvant déboucher sur la mise en œuvre de la responsabilité d’un banquier. Ainsi, la démesure des garanties réclamées n’est pas une source autonome de responsabilité bancaire mais constitue simplement une situation prérequise qui permet au droit commun de retrouver son empire, en autorisant le demandeur à apporter la preuve qu’il est victime d’un crédit fautif.

En l’espèce, c’est une caution qui recherchait la responsabilité de la banque laquelle avait par acte octroyé un prêt d’un montant de 200.000 € destiné à la consolidation de son fonds de roulement. Le directeur général de la société s’était porté caution solidaire du remboursement des échéances mensuelles, dans la limite de 120 000 €. La créance de la banque était en outre garantie par des bons de caisse remis en nantissement pour une valeur de 200 000 €.

Le tribunal de commerce avait prononcé la mise en liquidation judiciaire de la société.

Actionné en paiement au titre de son engagement de caution, le dirigeant social invoquait les dispositions de l’article L. 650-1, en arguant du caractère exagéré de la double précaution prise par la banque, qui a obtenu à la fois une sûreté personnelle et un nantissement.

La banque lui rétorque qu’en l’absence de preuve établie d’un soutien abusif, elle n’est pas tenue de verser des dommages et intérêts en vertu de cet article.

Ainsi la caution doit démontrer en quoi le prêt bancaire litigieux était fautif pour bénéficier des dispositions de l’article L 650-1 du Code de commerce.

L’article L. 650-1 affirme que l’irresponsabilité du banquier peut prendre fin dans l’hypothèse d’un crédit flanqué de garanties disproportionnées.

 

1. Le rôle de la disproportion des garanties souscrites visée à l’article L. 650-1 du code de commerce

La responsabilité civile du banquier pour faute dans l’octroi du crédit est subordonnée à la démonstration préalable d’un cas d’ouverture, ici l’excès de garanties (A). Partant, est écartée une approche beaucoup moins favorable au banquier, considérant que tout manquement à son devoir de modération dans l’usage des garanties l’exposerait à une action en responsabilité (B).

A. L’exigence d’un crédit fautif et des garanties disproportionnées

Selon l’analyse qu’adopte la Cour de cassation, la prise de garanties disproportionnées est un élément qui conditionne l’exercice d’une action en responsabilité contre le créancier, mais le succès de cette initiative procédurale reste soumis à la preuve d’un financement fautif.

L’illégitimité du crédit doit par conséquent être démontrée.

Il faut démontrer un soutien abusif de crédit. Cette notion conserve donc son intérêt car le demandeur échouera s’il ne parvient pas à caractériser l’anormalité du crédit.

De manière traditionnelle, la faute du banquier est retenue dans les deux cas suivants :

— la fourniture d’un crédit à l’entreprise en sachant celle-ci dans une situation irrémédiablement compromise. Cet appui financier laxiste crée d’une apparence trompeuse de solvabilité au détriment des tiers qui ne se doutent pas que l’effondrement de la société est inéluctable ;

— une politique de crédit ruineuse pour l’entreprise, se manifestant par un prêt à un taux insupportable ou avec un échéancier trop court au regard des facultés de remboursement de l’entité, ce qui précipite sa chute.

Aujourd’hui, bien qu’ayant maintenu l’entreprise en survie artificielle ou provoqué une croissance insurmontable de ses charges, le banquier est présumé irresponsable.

Le retour au droit commun, c’est-à-dire une condamnation sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, ne peut s’opérer que si le demandeur réussit à opposer l’une des trois exceptions légales susceptibles de retirer au prêteur le bénéfice de son immunité : la fraude, l’immixtion caractérisée dans les affaires du débiteur, ou la présence de garanties disproportionnées.

Autrement dit, si le banquier qui a fait passer l’entreprise pour solvable ou lui a consenti un crédit déraisonnable par rapport à ses capacités financières a, de surcroît, empilé les garanties pour s’aménager une position ultra-préférentielle, il cesse d’être couvert par l’exemption de responsabilité.

À partir de là, l’accumulation de garanties est un grief spécial et complémentaire qui autorise l’établissement de la responsabilité civile du banquier, dont la conduite aurait été inattaquable s’il n’avait pas exigé ces sûretés disproportionnées.

Avec ou sans son cortège de garanties, le financement est de toute façon malsain mais une seule chose en permet la stigmatisation : l’intempérance du banquier, boulimique de sûretés car trop soucieux de parer à la défaillance prévisible de l’endetté devant honorer ce crédit aventureux.

De la sorte, l’action en responsabilité intentée contre un créancier sera inopérante si, comme dans l’affaire commentée, le demandeur se borne à invoquer une disproportion des garanties, sans pouvoir administrer la preuve d’un soutien abusif.

L’action sera aussi paralysée si la banque a soutenu fautivement l’entreprise mais n’a pas commis d’impair dans le choix des garanties, qui apparaissent proportionnées au crédit, aussi discutable soit-il.

B. la prise de garanties excessives (nantissement, caution, gage) est acceptable

L’exagération dans la prise de sûretés peut nuire au débiteur tout en accompagnant un crédit dont le poids n’est pas lui-même insupportable. Un banquier, en sollicitant une quantité trop élevée de garanties au regard de l’aide qu’il apporte à l’emprunteur, peut attiser ses difficultés car celui-ci n’ayant plus rien d’intéressant à offrir pour rassurer d’autres bailleurs de fonds, ces derniers refuseront de contracter avec lui.

Après ce « coup de râteau », l’intéressé n’est plus un interlocuteur crédible : ses potentialités d’emprunt sont gelées. Or ce que le législateur a entendu éviter en instituant un devoir de discernement dans le recours aux sûretés, n’est-ce pas le blocage des possibilités de crédit du débiteur ? Si un créancier a pris quatre ou cinq fois plus de sûretés que nécessaire, s’il a fait grever tous les actifs encore disponibles de l’entreprise, s’il s’est fait cautionner par tous les proches un tant soi peu solvables du débiteur qui n’y reviendront pas, c’en est fini : la pénurie de sûretés nouvelles se traduit par une privation de crédit, avec risque d’asphyxie financière à la clé.

La Cour de cassation considère que le créancier ne commet pas de faute en faisant jouer la garantie de son choix parmi toutes celles obtenues.

Le seul espoir de faire rendre gorge au créancier serait de prouver une faute bidimensionnelle. Cela supposerait que son goût immodéré pour les garanties ait donné un caractère ruineux au prêt, par exemple en privant l’entreprise d’actifs utiles à son activité quotidienne, sur lesquels elle a dû consentir un gage avec dépossession. Dans ce cas de figure, le déséquilibre contractuel organisé par le banquier, dont l’arsenal contient une garantie antiéconomique pour l’entreprise, empêchée d’exploiter son matériel, paraît qualifiable de soutien abusif tout en pouvant être regardé comme une disproportion qui permet d’agir sur le fondement de l’article L. 650-1. Observable sous les deux angles, celui de la cherté du concours et celui de l’énormité de la couverture, l’unique faute imputable au banquier sera alors génératrice de responsabilité civile.

2. Sur le caractère disproportionné des garanties prises par le banquier et la sanction

A. Appréciation du caractère disproportionné des garanties

En quoi consiste le critère de la disproportion ? Aucune précision chiffrée ne figure dans le texte qui invite juste à faire une comparaison entre le montant du crédit et les garanties auxquelles le créancier a subordonné son concours. Le déséquilibre n’a même pas besoin d’être criant, manifeste, pour être répréhensible.

On sait par exemple que la valeur d’un fonds de commerce est tributaire de sa bonne exploitation et peut donc vite décliner en cas de mauvaise gestion, de sorte que le nantissement inscrit dessus ne sera plus d’un grand secours pour son bénéficiaire quand il voudra faire valoir ses droits. De même, un immeuble peut se déprécier à la suite d’une catastrophe naturelle faisant que des terrains à bâtir deviennent inconstructibles. Ou alors le patrimoine d’une caution peut avoir fondu à la suite d’un revers de fortune. Le problème est que ce texte ne parle pas de garanties réalisées mais prises, donc émises en contrepartie des avantages concédés au débiteur : le marqueur du temps à retenir correspond à leur date d’obtention.

Le banquier, s’il s’aperçoit qu’il a eu la main trop lourde dans la constitution de garanties, peut-il racheter sa faute, soit en augmentant le volume des crédits accordés à l’entreprise, soit en renonçant à telle ou telle sûreté superflue ? Une fois le palier de la disproportion franchi, toute manœuvre de rattrapage semble exclue car, pour savoir si l’abus existe, il faut se placer au moment de la formation du contrat de financement.

 B. Sanctions menaçant le banquier déchu de son immunité

D’une part, l’imputation au créancier d’une faute spécifiée à l’article L. 650-1 du Code de commerce neutralise la règle voulant qu’il ne répond pas « des préjudices subis du fait des concours consentis ». Quiconque endure un dommage causé par le soutien abusif reprochable à cet agent peut exercer l’action en réparation : le chef d’entreprise, ses associés, un créancier, une caution, etc. Il n’y a pas d’originalité particulière à signaler : le droit commun des obligations s’applique, avec son lot de contraintes probatoires habituelles pour ceux qui se posent en victimes.

pour le cas où la responsabilité d’un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent être annulées ou réduites par le juge.

La nullité est facultative. Le juge n’est pas tenu de la prononcer et il a le pouvoir de maintenir certaines garanties adaptées.

Même si le banquier a fait montre d’arbitraire ou d’avidité en amassant des garanties à outrance, ce serait commettre un autre excès que de lui ôter l’ensemble de ses prérogatives.

La sagesse commande plutôt de ramener à de justes proportions les mécanismes qui assurent le paiement de la créance ; l’idée est que seules les garanties incongrues, donc les plus pesantes ont vocation à succomber.

Il est loisible au juge d’opérer une sélection de celles qui, prises en surnombre, méritent à ses yeux de disparaître, au lieu de tout anéantir indistinctement.

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La perte de la qualité de dirigeant ou d’associé d’une société ne fait pas disparaitre votre qualité de caution de cette société

Une société avait emprunté des sommes auprès d’une banque, et les deux associés, détenteurs de la moitié du capital social chacun s’étaient portés cautions solidaires du remboursement des prêts.

La banque avait demandé la souscription par les cautions d’une assurance contre les risques de décès, incapacité et invalidité, ainsi que d’autres.

Peu de temps après, l’un des associés cédait ses actions à son coassocié et son mandat social prenait fin.

Un an plus tard, la société cessait le remboursement des prêts et la banque demandait aux cautions de payer, ce que l’ex-associé refusait de faire, au motif notamment qu’il n’était plus associé de la société cautionnée depuis plus de deux ans. La société était ensuite placée en liquidation judiciaire.

Le tribunal de commerce, saisi par la banque, donnait effet au cautionnement, tout en condamnant l’autre associé à « relever indemne et garantir » l’ancien associé et dirigeante de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au titre de son engagement de caution.

Devant la cour d’appel, l’ancien dirigeant plaidait que son engagement de caution avait pris fin en indiquant que « bien que l’imprimé de la banque n’en fasse pas mention, il avait clairement entendu subordonner son engagement de caution à la condition de l’effectivité de sa qualité d’associé puisque c’était uniquement en sa qualité d’associé qu’il s’est porté caution ».

Cependant la Cour d’appel rappelle que « la cessation des fonctions de dirigeant de la société cautionnée n’emporte pas à elle seule libération de la caution ». La solution était déjà affirmée à plusieurs reprises par la Cour de cassation pour la cessation du mandat social.

Le principe du maintien du cautionnement en dépit de la perte de la qualité d’associé ou de dirigeant étant posé, il est toutefois possible d’y déroger en érigeant le mandat social ou la qualité d’associé en condition déterminante de l’engagement de la caution. Il faut pour cela que l’acte de cautionnement comporte une mention expresse lors de sa signature.

L’autre solution – plus difficile à obtenir d’une banque – est la substitution de son cautionnement par une autre personne, en général le nouvel associé.

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Fausse signature sur le chèque et la faute de la victime titulaire du compte

Un titulaire d’un compte bancaire recherche la responsabilité de la banque pour avoir payé plusieurs chèques, tirés sur ce compte, alors que ces chèques n’étaient pas signés par une personne habilitée ou par le titulaire du compte.

Plus concrètement, en l’espèce, il était reproché à la banque d’avoir commis une négligence, qui l’oblige à réparer le dommage subi par le client, en s’abstenant de vérifier la signature portée sur le chèque falsifié.

La faute n’est pas contestée par la banque mais dans cette matière il ne faut jamais oublier que la faute de la victime peut avoir une influence sur son droit à réparation.

En effet, lorsque la faute commise par le titulaire du compte constitue la cause exclusive du dommage, la banque n’est plus tenue de réparer le préjudice subi par ce dernier.

Les juges du fond ont relevé que le titulaire du compte avait « commis une négligence grave, qui constituait la cause exclusive des dommages invoqués », ce qui leur permettait d’en « déduire que cette négligence était de nature à exonérer la banque de sa responsabilité ».

En l’espèce, le titulaire du compte :

–  n’a formé opposition au paiement des chèques que quatre mois après leur remise au paiement alors qu’il recevait les relevés de compte mensuels,

– ne démontre pas avoir signalé à la banque que les chèques ne comportaient pas sa signature

– qu’il n’explique pas comment un tiers, avait pu disposer de plusieurs formules de chèques du compte, tout comme de la carte bancaire et de son code.

Si la faute de la victime peut entraîner un partage de responsabilité, elle peut aller jusqu’à exonérer la banque de toute responsabilité lorsqu’elle est la cause exclusive du dommage comme c’était le cas en l’espèce.

 

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l’obligation de la banque de consulter le FICP avant le déblocage des fonds

L’article L. 312-16 du Code de la consommation dispose que la banque doit obligatoirement consulter le ficher des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) lorsqu’il apprécie la solvabilité du particulier souhaitant un crédit à la consommation. À défaut de pouvoir démontrer avoir respecté cette obligation, le banquier encourt la déchéance du droit aux intérêts.

L’article 2 de l’arrêté du 26 octobre 2010 précise que cette vérification « doit être réalisée lorsque le prêteur décide : d’agréer la personne de l’emprunteur en application de l’article L. 312-24 du Code de la consommation pour les crédits mentionnés aux articles L. 312-1 à L. 312-3 du même code ».

Or, d’après cet article L. 312-24, l’agrément de l’emprunteur par le prêteur doit intervenir dans un délai de sept jours suivant l’acceptation de l’offre par l’emprunteur. Le banquier doit donc pouvoir bénéficier d’un tel un délai « supplémentaire » pour procéder à la vérification légale.

Une banque doit être en mesure de justifier de la consultation du FICP « préalablement au déblocage des fonds fixés dans l’offre de crédit ».

Dans une affaire similaire, le Crédit mutuel admet qu’il ne justifie pas du respect de cette formalité préalablement au déblocage des fonds fixé dans l’offre de crédit puisqu’il n’en a pas gardé d’exemplaire dans ses archives.

Or, contrairement à ses affirmations, la consultation du FICP à plusieurs reprises en 2015, 2016 et 2017, ne peut pallier l’absence de cette consultation au moment de la souscription du prêt et avant le déblocage des fonds.

Par conséquent, la banque a été déchue du droit aux intérêts par les juges de première instance et d’appel.

Aussi, faute de vérifier l’inscription au fichier FICP dans le temps déterminé la consultation a posteriori est trop tardive et la banque sera sanctionnée.

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La lettre de déchéance du terme d’un prêt n’est plus nécessaire si la mise en demeure le précise

Lorsqu’un emprunteur se retrouve avec plusieurs échéances de prêt impayées, la banque prêteuse lui adresse une mise en demeure de payer.

En effet, il existe de multiples décisions de la Cour de cassation imposant aux banques d’adresser une mise en demeure à l’emprunteur avant de prononcer la résiliation du contrat de prêt ou en d’autres termes de prononcer la déchéance du terme.

Il s’agit d’avertir l’emprunteur afin de lui permettre de régler ses impayés avant de prononcer cette sanction en lui laissant un ultime délai. Ce n’est que si cette mise en demeure reste sans suite que la banque pourra mettre un terme au prêt et réclamer l’intégralité de sommes (capital, intérêts, pénalités).

Ainsi, une banque avait mis en demeure une SCI et les cautions de régler les échéances impayées dans le délai de 15 jours. Cette mise en demeure précisait que passé ce délai, la clause de déchéance du terme prévue au contrat prendrait effet.

Après avoir délivré de nouvelles mises en demeure de payer le solde du prêt, en invoquant une cession de créance à son profit, le fonds commun de titrisation Hugo créances , ayant pour société de gestion, la société Equitis Gestion, représenté par la société MCS et associés, avait assigné les cautions en paiement.

La Cour d’appel rejette la demande et le fonds commun de titrisation Hugo créances forme un pourvoi.

La Cour de cassation casse la décision de la cour d’appel en considérant qu’il résulte des anciens articles 1134 et 1184 du Code civil que, lorsqu’une mise demeure, adressée par la banque à l’emprunteur et précisant qu’en l’absence de reprise du paiement des échéances dans un certain délai la déchéance du terme serait prononcée, est demeurée sans effet, « la déchéance du terme est acquise à l’expiration de ce délai sans obligation pour la banque de procéder à sa notification ».

Elle en conclut alors qu’en l’occurrence, faute de règlement par la SCI et les cautions dans le délai de 15 jours imparti par la banque, la déchéance du terme était acquise. La banque n’était donc pas tenue d’en notifier le prononcé. Les banques peuvent ainsi se passer de l’envoi d’une lettre de déchéance du terme à la condition que la mise en demeure sous suffisamment précise sur les conséquences du non-paiement des échéances du prêt après un délai. Dans ces conditions, il faut lire attentivement la mise en en demeure de la banque car si celle-ci utilise une formule plus ambiguë comme « pourra s’en prévaloir », « si bon lui semble », elle devra nécessairement notifier une lettre de déchéance du terme.

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La saisie attribution du compte joint

Les cotitulaires du compte alimentent le compte joint. Il existe une solidarité dans les rapports des cotitulaires avec le banquier teneur de compte : chaque cotitulaire est débiteur de l’intégralité du solde débiteur vis-à-vis du banquier, inversement le banquier est débiteur de la totalité du solde créditeur vis-à-vis de chaque cotitulaire.

Cependant cette solidarité sur le compte n’existe pas vis-à-vis des tiers. Les tiers ne sont donc pas en droit de réclamer le paiement de leur créance aux cotitulaires du compte joint qui ne sont pas leur débiteur. Toutefois, en cas de saisie attribution sur un compte joint, ce compte dont le débiteur est l’un des cotitulaires est nécessairement couvert par la saisie en raison des dispositions de l’article R. 211-19 du Code de procédure civile selon lequel « l’acte de saisie rend indisponible l’ensemble des comptes du débiteur qui représentent des créances de sommes d’argent ».

La saisie attribution peut porter sur des sommes qui ne reviennent pas au débiteur saisi. D’où la question de savoir comment distraire de la saisie les fonds qui sont la propriété personnelle des cotitulaires autres que le débiteur saisi ?

Cette difficulté n’est pas résolue par les dispositions de l’article R. 211-22 du Code des procédures civiles d’exécution qui prévoient seulement la dénonciation de la saisie à tous les titulaires du compte. Mais la Cour de cassation donne la réponse : il revient aux cotitulaires qui souhaitent soustraire leurs fonds de la saisie d’en demander la mainlevée en apportant la preuve de leur propriété personnelle.

Cette preuve incombe au cotitulaire du compte dont les fonds sont saisis et non au créancier.

Cela a été rappelé par la Cour de cassation dans son arrêt du 21 mars 2019 : « Mais attendu que l’acte de saisie-attribution pratiqué entre les mains d’un établissement habilité à tenir des comptes de dépôt porte sur l’ensemble des comptes du débiteur qui représentent des créances de sommes d’argent de ce dernier contre cet établissement ; que dans le cas d’un compte joint, cet établissement étant débiteur de la totalité du solde de ce compte à l’égard de chacun de ses cotitulaires, l’effet attributif de la saisie s’étend, sous réserve des règles propres aux régimes matrimoniaux entre époux, à la totalité du solde créditeur, sauf pour le débiteur saisi ou le cotitulaire du compte, avisé de la saisie dans les conditions prévues par l’article R. 211-22 du code des procédures civiles d’exécution, à établir que ce solde est constitué de fonds provenant de ce dernier, en vue de les exclure de l’assiette de la saisie. »

Ainsi, afin de récupérer les sommes saisies devant le Juge de l’exécution, vous devrez en tant que cotitulaire du compte joint démontrer que cette somme provient de vos revenus personnels.

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