Le cautionnement

La protection du conjoint du dirigeant caution bancaire

L’engagement solidaire du patrimoine personnel du dirigeant, et potentiellement de celui de son épouse, mérite une analyse détaillée des risques encourus et des protections prévues par le droit.

1. Principe de limitation du gage

L’article 1415 du Code civil dispose : « Chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n’aient été contractés avec le consentement exprès de l’autre conjoint, qui dans ce cas, n’engage pas ses biens propres ».

Ainsi, sans le consentement exprès du conjoint, seuls les biens propres et les revenus du dirigeant caution peuvent être saisis.

2. Exception : consentement exprès du conjoint

Si le conjoint donne son consentement exprès, les biens communs deviennent saisissables par le banquier, à l’exclusion des biens propres de ce conjoint :

« l'époux peut donner son consentement exprès à engager les biens communs, ce qui a pour effet d'étendre l'assiette du gage du créancier sur ces biens » (Cass. com., 22 févr. 2017, n° 15-14915)

Le consentement du conjoint n’est pas soumis à un formalisme particulier, mais il doit être clair et non équivoque.

3. Application pratique : exemples et nuances jurisprudentielles

a. Consentement exprès et formes

Le consentement exprès du conjoint peut être donné dans l’acte de cautionnement (ex : mention manuscrite « Bon pour consentement » suivie de la signature du conjoint), ou résulter d’un document séparé.

En l’absence de ce consentement, le créancier ne peut pas saisir les biens communs.

Lorsque les deux époux se portent caution dans le même acte, les biens communs sont engagés, sans qu’il soit nécessaire de prouver un consentement exprès l’un à l’autre.

b. Cautionnement réel

L’article 1415 s’applique également aux sûretés réelles consenties par le conjoint sur un bien commun (par exemple, un nantissement ou une hypothèque sur un bien commun pour garantir la dette sociale) : sans consentement exprès de l’autre conjoint, seul le bien grevé est concerné.

"Le nantissement constitué par un tiers pour le débiteur est un cautionnement réel. Dans le cas d'un tel engagement consenti par un époux sur des biens communs, sans le consentement exprès de l'autre, la caution, qui peut invoquer l'inopposabilité de l'acte quant à ces biens, reste seulement tenue, en cette qualité, du paiement de la dette sur ses biens propres et ses revenus, dans la double limite du montant de la somme garantie et de la valeur des biens engagés, celle-ci étant appréciée au jour de la demande d'exécution de la garantie. Cass. civ. 15 mai 2002 BNP Paribas c/ Abihssira."

4. Appréciation de la proportionnalité de l’engagement et risques de disproportion

Lorsque le dirigeant se porte caution, l’engagement doit être proportionné à ses biens et revenus (y compris les biens communs s’ils sont engagés).

À défaut, le cautionnement peut être partiellement ou totalement inefficace.

Si le cautionnement souscrit depuis le 1er janvier 2022 par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s'engager à la date de la conclusion du cautionnement.

« Lorsque le dirigeant caution est marié sous le régime de la communauté, la disproportion de son engagement doit être appréciée en incluant les biens communs, peu important qu'ils soient hors d'atteinte du créancier à défaut d'accord du conjoint prévu par l'article 1415 du code civil (Cass. com., 15 nov. 2017, n° 16-10504).

La solution inverse aurait, en effet, conduit à une protection excessive de la caution.

5. Sanctions du non-respect de l’article 1415 du code civil

En cas d’absence de consentement exprès du conjoint, la sanction n’est pas la nullité du cautionnement, mais l’inopposabilité de l’acte quant aux biens communs : seuls les biens propres et les revenus de l’époux caution sont engagés.

Conclusion

Le dirigeant de société qui consent un cautionnement personnel pour garantir les dettes sociales doit mesurer les conséquences sur son patrimoine et, le cas échéant, celui de son épouse si le couple est marié sous le régime de la communauté.

Sans le consentement exprès du conjoint, seuls ses biens propres et ses revenus sont exposés. Avec le consentement exprès, les biens communs deviennent saisissables.

La prudence s’impose, tant dans la rédaction de l’acte de cautionnement que dans l’appréciation de la proportionnalité de l’engagement au regard de l’ensemble du patrimoine engagé.

Avocat Pierre

Je suis Maître Pierre, avocat en droit bancaire inscrit au barreau de Paris depuis 2003. Vous rencontrez une problématique et avez besoin d'aide ? Discutons-en.


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