La fin du devoir de mise en garde du banquier en cas de mensonge de l’emprunteur
La fin du devoir de mise en garde du banquier en cas de mensonge de l’emprunteur.
Afin de financer l’acquisition de plusieurs biens immobiliers vendus en l’état futur d’achèvement, un couple a souscrit divers emprunts, auprès de différents établissements de crédit.
Après avoir prononcé la déchéance du terme de chacun de ces prêts en raison du non-paiement des échéances et la vente forcée des immeubles n’ayant pas permis d’en régler le solde, une des banques les a assigné en paiement.
Ces derniers ont recherché la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde et de vigilance.
Les juges du fond ont refusé de faire droit à leur demande. Les emprunteurs se sont pourvus en cassation et ils ont fait valoir que la banque ne les avait jamais rencontrés et avait accordé le financement au vu de simples photocopies qui s’étaient révélées des faux.
La Cour de cassation a rejeté ce pourvoi puisque pour financer l’acquisition de chacun des immeubles acquis, à un établissement financier différent, l’arrêt relève, par motifs adoptés, que sur chacune des demandes de crédit, ils avaient attesté, par une mention manuscrite au pied de laquelle ils avaient apposé leur signature, « n’avoir aucun autre crédit en cours à titre personnel ou professionnel »,
Cependant ils souscrivaient, respectivement, sept et huit crédits de montants identiques auprès d’autant d’établissements bancaires différents.
Il est relevé aussi qu’ils se sont engagés dans cette opération, sachant qu’ils n’en avaient pas les moyens financiers et que, sans la dissimulation de la totalité de cette opération, ils n’auraient pu obtenir le crédit sollicité, la banque, tenue dans l’illusion que son client n’était acquéreur que d’un seul pavillon, n’ayant aucune raison de nourrir une inquiétude sur le sort du remboursement de l’emprunt qui était destiné à un financement partiel de l’acquisition et garanti par une inscription hypothécaire ; que par ces constatations et appréciations faisant ressortir que ces derniers n’avaient pas mis la banque en mesure de constater l’existence d’un risque né de l’octroi du crédit, et rendant inopérant les griefs du moyen, la cour d’appel a pu retenir que la banque n’avait pas commis de faute ».
On rappelle que cette obligation de mise en garde a pour but d’attirer l’attention d’un emprunteur ou d’une caution sur les risques inhérents à l’opération de crédit projetée.
Cette obligation suppose la réunion d’au moins deux éléments cumulatifs qui justifient son existence :
1°) l’existence d’une faute de l’établissement de crédit : à savoir de ne pas avoir vérifié les capacités financières de l’emprunteur et les risques de l’endettement né de l’octroi des prêts
2°) la qualité de l’emprunteur : il faut distinguer l’emprunteur averti et celui non averti : seul ce dernier sera protégé.
Cette obligation de mise en garde du banquier ne peut s’accomplir que si l’emprunteur communique au banquier des renseignements exacts et complets. Aussi, la banque n’aura pas la possibilité d’exécuter convenablement sa mission si elle n’a pas connaissance des capacités financières de l’emprunteur ou si ce dernier fait preuve de mauvaise foi en lui transmettant des pièces erronées lors de la souscription de l’emprunt.
Bien souvent, les emprunteurs attestent, par une mention écrite « n’avoir aucun autre crédit en cours à titre personnel ou professionnel », ce qui était en l’espèce totalement inexact.
La banque n’a pas à faire des investigations poussées sur la situation patrimoniale des emprunteurs dès lors que des documents pertinents ont été demandés et fournis. En effet, sauf anomalie apparente, le banquier est tenu de respecter un devoir de non-ingérence dans les affaires de son client.
La responsabilité de la banque ne saurait par conséquent être retenue si l’emprunteur a caché à son banquier l’existence d’autres crédits (Cass. com., 3 sept. 2014, n° 13-20874)
ou lui a ouvertement menti concernant son patrimoine (Cass. 1re civ., 25 juin 2009, n° 08-16434) ou ses revenus (Cass. 1re civ., 18 févr. 2009, n° 08-11221).