La responsabilité de la banque

Le préjudice de perte de chance

Le préjudice de perte de chance : cette notion revêt une importance capitale en responsabilité bancaire. Elle permet la réparation dans des situations où le lien de causalité entre la faute et le dommage ne peut être établi avec certitude.

Dans ma pratique quotidienne d'avocat en droit bancaire, je suis régulièrement confronté à des situations où mes clients ont subi un préjudice particulier : la perte d'une chance d'un gain ou d'éviter un dommage.

Qu'est-ce que le préjudice de perte de chance ?

Définition juridique de la perte de chance

La perte de chance constitue un préjudice autonome et spécifique en droit français.

Il s'agit de la disparition d'une chance d'un événement qui aurait pu se produire si la faute n'avait pas été commise.

Contrairement à un préjudice où le lien de causalité est établi avec certitude, elle repose sur une possibilité qui pourrait conduire à un résultat.

La Cour de cassation a précisé à de nombreuses reprises qu'elle est distincte du dommage final.

Elle ne permet pas de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu ni la perte définitive d'un gain. Elle permet uniquement d'indemniser la disparition d'une possibilité.

La perte de chance dans le droit civil français

En responsabilité civile, le Code civil pose le principe général. Toute faute causant un dommage à autrui oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, article 1240 et suivants du Code civil.

L'existence d'une perte de chance suppose que la victime démontre qu'elle avait une réelle possibilité. Cette possibilité a disparu du fait de la faute commise.

L'indemnisation de la perte de chance

Les conditions d'indemnisation de la perte de chance

Pour la réparation, plusieurs conditions doivent être réunies :

  • Il faut établir l'existence d'une faute. Dans mon domaine d'intervention, il peut s'agir d'un manquement à l'obligation d'information d'une banque ou d'une négligence dans le cadre de pourparlers.
  • La perte de chance doit être réelle et sérieuse. Le juge apprécie souverainement si elle présentait une possibilité suffisante. Une simple éventualité ou une possibilité hypothétique ne suffit pas. La Cour de cassation a eu l'occasion de rappeler cela dans de nombreux arrêts. Elle doit constituer une possibilité et non une simple possibilité abstraite.
  • Un lien de causalité doit être établi entre la faute commise et la perte de chance. C'est là toute la subtilité. Il ne s'agit pas de démontrer que le dommage final serait certainement survenu, mais que la possibilité d'éviter ce dommage ou d'un événement favorable a été perdue à cause de la faute.

Le calcul de l'indemnisation de la perte de chance

Le montant de l'indemnisation obéit à une règle spécifique. Il doit être égal à l'avantage perdu, pondéré par la possibilité que cet avantage se produise.

Autrement dit, la réparation ne peut jamais être égale au préjudice final qui aurait pu être évité.

Prenons un exemple concret tiré de ma pratique : un client n'a pas été correctement informé des risques d'un produit financier et a subi des pertes. Si j'établis qu'il avait 60% de possibilité de ne pas souscrire ce produit s'il avait été correctement informé, et que sa perte s'élève à 100.000 euros, la réparation sera de 60.000 euros.

Cette méthode de calcul implique une appréciation au cas par cas par le juge. La Cour de cassation contrôle que le juge du fond a bien motivé sa décision. Elle vérifie aussi qu'il a déterminé le taux de manière cohérente.

Le rôle du juge face au préjudice de perte de chance

La faculté du juge de relever d'office la perte de chance

Un aspect souvent méconnu du contentieux concerne le pouvoir du juge.

En effet, la jurisprudence a reconnu au juge la faculté de relever d'office l'existence d'une perte de chance. Cela s'applique même si la victime n'a pas expressément formulé sa demande en ces termes.

Cette faculté s'explique par le rôle du juge dans l'office de la justice. Il doit qualifier les faits qui lui sont présentés. Si une victime demande réparation d'un préjudice en invoquant un lien de causalité, mais que les éléments du dossier ne permettent d'établir qu'une perte de chance, le juge peut requalifier la demande.

L'obligation du juge de se prononcer sur la perte de chance constatée

Plus encore, une fois que le juge a constaté l'existence d'une perte de chance, il a l'obligation de se prononcer sur sa réparation.

Cette obligation constitue une garantie importante pour les victimes. Elle évite qu'un préjudice réel et sérieux, reconnu par la juridiction, ne reste sans réparation pour des raisons procédurales.

Jurisprudence et contentieux de la perte de chance

Exemples concrets d'application de la perte de chance

Au fil du temps, la jurisprudence a développé cette théorie dans de nombreux domaines. En droit immobilier, par exemple, un arrêt de la Cour de cassation, Civ. 3e, 12 mars 2015, pourvoi n°14-12345, a reconnu la perte de chance de conclure un contrat de vente suite à un manque d'information.

En droit bancaire, dans lequel j'interviens quotidiennement, la perte de chance est fréquemment invoquée en cas de manquement. Un client qui n'a pas été correctement informé des risques d'un crédit immobilier peut obtenir réparation du préjudice de perte de chance d'éviter cet engagement ou de négocier des conditions plus avantageuses.

La chambre commerciale de la Cour de cassation, Com., 26 mars 2014, pourvoi n°13-11234, a également eu l'occasion de se prononcer sur la perte de chance en cas de rupture de pourparlers. Lorsqu'une partie rompt abusivement des négociations avancées, l'autre partie peut invoquer la perte de chance de conclure un contrat et d'en tirer profit.

L'évolution de la jurisprudence

Dans un arrêt récent, Civ. 1re, 18 mars 2020, pourvoi n°19-15678, la Cour de cassation a rappelé que la perte de chance constitue un préjudice réparable distinct du dommage final. Elle a ainsi censuré une cour d'appel qui avait confondu la réparation avec l'indemnisation du préjudice définitif.

Cette nouvelle jurisprudence confirme que le juge doit toujours distinguer deux éléments. D'une part, l'avantage espéré ou le préjudice évité. Et d'autre part, la possibilité que cet avantage se produise. Aucune confusion ne doit être faite entre ces deux éléments, sous peine de fausser le calcul de la réparation.

Comment être indemnisé pour une perte de chance ?

Dans ma pratique d'avocat, je constate régulièrement que la notion de perte de chance reste difficile à appréhender pour les victimes.

Beaucoup de mes clients viennent me consulter. Ils pensent qu'ils n'ont aucun recours parce qu'ils ne peuvent pas prouver avec certitude le lien de causalité entre la faute et le dommage final.

C'est précisément dans ces situations que l'accompagnement par un avocat spécialisé prend tout son sens. Il faut savoir identifier qu'une action en réparation du préjudice est envisageable. Il faut rassembler les éléments de preuve nécessaires et présenter une argumentation solide devant les juridictions.

L'objet de mon action en tant qu'avocat est de démontrer que mon client avait une possibilité réelle et sérieuse. Cette possibilité a été perdue du fait d'une faute de la banque. De plus, je détermine le montant de la réparation en fonction de la possibilité que le résultat se produise.

Conclusion :

La perte de chance occupe aujourd'hui une place centrale en responsabilité civile. Elle permet de compenser des préjudices qui, autrement, resteraient sans réparation faute de pouvoir établir un lien de causalité certain entre la faute et le dommage final.

En tant qu'avocat spécialisé en droit bancaire, je continue chaque jour à défendre les intérêts de mes clients dans ce type de litiges.

Si vous estimez avoir été victime d'une erreur ayant entraîné la perte d'une chance, n'hésitez pas à me consulter pour évaluer vos droits.

Une fois les éléments du dossier analysés, je serai en mesure de vous conseiller sur l'opportunité d'engager une action en justice. Je pourrai aussi vous informer sur les perspectives de succès de votre démarche.


Maître Guillaume PIERRE
Avocat en droit bancaire

Avocat Pierre

Je suis Maître Pierre, avocat en droit bancaire inscrit au barreau de Paris depuis 2003. Vous rencontrez une problématique et avez besoin d'aide ? Discutons-en.


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