
Plan d’apurement d’une caution personnelle : mode d’emploi
Un plan d’apurement permet de réorganiser le remboursement d’une dette, mais si vous êtes caution personnelle, les règles sont strictes : en général, vous ne pouvez pas profiter des délais ou remises accordés au débiteur principal dans le plan, sauf exception pour les cautions personnes physiques dans le cadre d’un plan de sauvegarde, où les créanciers ne peuvent pas vous poursuivre tant que le plan est respecté.
En revanche, pour un plan de redressement ou en cas de surendettement, la caution reste tenue de payer ce qu’elle garantit sans pouvoir demander les mêmes délais ou remises que le débiteur, sauf si c’est expressément prévu dans le plan ou accepté par les créanciers (parfois les mesures peuvent être négociées, mais ce n’est pas automatique).
Enfin, si le débiteur ne respecte pas le plan, la caution peut être appelée à payer immédiatement la totalité de la dette garantie, sans bénéficier d’un nouvel échéancier.
1. Principes généraux : le sort de la caution face au plan d’apurement
La caution personnelle, c’est-à-dire la personne physique qui garantit la dette d’un débiteur, ne bénéficie pas automatiquement des mesures d’allègement ou de rééchelonnement des dettes accordées au débiteur principal dans le cadre d’un plan d’apurement, qu’il s’agisse :
- d’un plan consenti à l’amiable,
- d’un plan de surendettement
- d’un plan de sauvegarde/redressement judiciaire.
a. Plans amiables et procédures de surendettement
- Plan conventionnel de redressement : La caution ne peut pas se prévaloir des mesures de rééchelonnement ou de remise de dette consenties au débiteur, sauf si une clause du plan le prévoit expressément ("la jurisprudence admet qu'une clause du plan conventionnel peut prévoir que les modalités d'apurement consenties au débiteur principal bénéficient aussi à la caution Cass. 2e civ., 6 mai 2004, n° 02-16.042) ou stipuler que les créanciers acceptent de faire bénéficier à la caution les mesures de redressement consenties au débiteur principal.
- Procédure de surendettement : Même solution pour les mesures imposées par la commission ou le juge, la caution ne peut pas en bénéficier automatiquement ("la Cour de cassation a jugé d'une manière générale que les mesures octroyées au débiteur lors d'une procédure de redressement judiciaire civil ne peuvent pas profiter à la caution.
b. Plans de sauvegarde et redressement judiciaire
- Avant la réforme de 2021 : Seules les cautions personnes physiques pouvaient se prévaloir du plan de sauvegarde, mais non du plan de redressement.
- Après la réforme de 2021 : Depuis l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021, la protection des cautions personnes physiques a été étendue au plan de redressement judiciaire. Ainsi, la caution personne physique peut désormais se prévaloir des délais et remises consentis au débiteur principal aussi bien dans un plan de sauvegarde que dans un plan de redressement revanche, les personnes morales sont toujours privées de ce bénéfice.
2. Modalités pratiques : déroulement, suspension des poursuites et mesures conservatoires
a. Suspension des poursuites contre la caution
- Pendant la période d'observation et jusqu’à l’arrêt du plan ou la liquidation judiciaire, toute action contre la caution personne physique est suspendue de plein droit ; le tribunal peut par la suite accorder des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux ans.
- l’article L. 622-28 du code de commerce, reprenant les dispositions de l’ancien article L. 621-48, prévoit une solution favorable aux cautions personnes physiques : celles-ci bénéficient de plein droit d’une suspension des poursuites jusqu’au jugement arrêtant le plan de redressement ou prononçant la liquidation judiciaire ; le tribunal peut ensuite leur accorder des délais ou un différé de paiement sur le fondement du droit commun dans la limite de deux ans.
b. Mesures conservatoires et obtention d’un titre exécutoire
- Le créancier peut, pendant la suspension des poursuites, prendre des mesures conservatoires sur les biens de la caution personne physique, telles qu’une hypothèque judiciaire provisoire.
- Pour conserver le bénéfice de ces mesures, il doit ensuite assigner la caution au fond pour obtenir un titre exécutoire, dont l'exécution sera suspendue tant que le plan est respecté.
- Le créancier, bénéficiaire d'un cautionnement, peut, pour obtenir un titre exécutoire, prendre des mesures conservatoires contre la caution, personne physique, soit pendant la période d'observation, soit pendant l'exécution du plan de sauvegarde.
- Le créancier devra alors, pour conserver le bénéfice de celles-ci, assigner au fond la caution pour obtenir un titre exécutoire - sauf à ce que la mise en œuvre de ce titre soit suspendue pendant toute la durée d'exécution du plan ou jusqu'à sa résolution
- L’exécution forcée contre la caution ne peut intervenir que si le débiteur principal n’exécute plus le plan ou dans la mesure de sa défaillance.
- Cela signifie qu'en cas de plan de sauvegarde l'exécution du titre est différée jusqu'à l'inexécution de ce plan par le débiteur principal, et dans la mesure de cette inexécution, sans qu'il soit besoin d'attendre la fin ou la résolution du plan.
c. Recours de la caution contre le débiteur
- La caution qui a désintéressé le créancier ne peut pas opposer au débiteur principal les délais ou remises dont il a bénéficié dans le cadre du plan, sauf si la clause du plan le prévoit expressément.
3. Spécificités procédurales et distinctions entre personnes physiques et morales
- Les personnes morales garantes ou coobligées sont toujours exclues du bénéfice des délais et remises du plan de sauvegarde ou de redressement.
- La distinction entre recours subrogatoire (la caution agit à la place du créancier) et recours personnel (la caution agit en son nom propre) reste essentielle, la portée de chacun variant selon la situation ("les recours subrogatoire et personnel ouverts à la caution ayant désintéressé le créancier sont cumulatifs. La subrogation n'entraîne pas la renonciation au recours personnel.
- Ce dernier recours permet la défense d'un intérêt personnel. Il faut rappeler que l'action personnelle en remboursement de la caution est plus large que le recours subrogatoire, notamment, elle permet le remboursement des frais personnels de la caution, le remboursement des intérêts depuis son propre paiement, et l'obtention de dommages-intérêts si l'exécution lui a causé un préjudice particulier.
4. Possibilités d’aménagement pour la caution
- La caution qui ne bénéficie pas des délais ou remises accordés au débiteur peut toujours solliciter des délais à titre personnel, soit à l’amiable auprès du créancier, soit judiciairement.
- la caution, qui ne bénéficie pas des délais accordés au débiteur (ou même en l'absence de tout délai accordé au débiteur), peut solliciter elle-même des délais du créancier, ou s'en voir accorder par le juge, soit sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil, soit dans le cadre des procédures de traitement du surendettement si elles lui sont applicables.
5. Synthèse : étapes du plan d’apurement pour une caution personnelle
- Vérifier la nature du plan (amiable, surendettement, sauvegarde, redressement).
- Identifier si la caution est une personne physique (bénéficie des mesures dans les plans de sauvegarde et de redressement postérieurs à 2021) ou une personne morale (n’en bénéficie pas).
- En cas d’exclusion du plan, la caution peut négocier des délais ou demander à bénéficier d’une procédure de surendettement en cas de difficultés.
- Le créancier peut prendre des saisies conservatoires pendant la suspension des poursuites et doit obtenir un titre exécutoire, dont l’exécution sera différée tant que le plan est exécuté.
- La caution peut exercer ses recours contre le débiteur, mais ne pourra pas lui opposer les délais/remises du plan, sauf clause expresse.
Conclusion
La caution personnelle, en particulier la personne physique, voit ses droits évoluer selon la nature du plan d’apurement et la date d’ouverture de la procédure.
Depuis la réforme de 2021, elle bénéficie d’une protection accrue dans le cadre des plans de sauvegarde et de redressement judiciaire.
Néanmoins, dans le cadre des plans amiables ou de surendettement, la caution ne profite du plan qu’en cas de clause expresse. Elle doit rester vigilante aux mesures qui la concernent, et peut toujours solliciter des délais à titre personnel, tout en sachant que le créancier conserve la possibilité de prendre des mesures conservatoires, sous réserve du respect du cadre légal et du plan en vigueur.