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Prêt inter-entreprises : le guide complet pour emprunter et prêter

Qu'est-ce qu'un prêt inter-entreprises ?

Un prêt inter-entreprises est une opération par laquelle une entreprise prêteuse met des fonds à disposition d'une entreprise emprunteuse, généralement dans un contexte de groupe ou de relations commerciales étroites. Pour mieux comprendre cette opération, découvrez "Prêt inter-entreprises : le guide complet pour emprunter et prêter".

Contrairement à un crédit bancaire classique, ce financement provient d'une autre entreprise plutôt que d'un établissement de crédit.

Cette pratique, longtemps interdite en France, est désormais encadrée légalement. Elle représente une opportunité importante pour les entreprises qui cherchent à optimiser leur trésorerie ou à financer leur croissance sans recourir exclusivement aux banques.

En tant qu'avocat en droit financier dans ce domaine, je dois souligner que le prêt inter-entreprises ne doit pas être confondu avec un simple prêt entre particuliers ou un crédit inter-entreprises proposé par les institutions financières. 

L'interdiction initiale des prêts entre entreprises non liées

Avant 2015, le code monétaire et financier interdisait purement et simplement les prêts inter-entreprises entre sociétés non liées.

Cette interdiction reposait sur le principe que seuls les établissements de crédit autorisés pouvaient proposer des crédits.

Cette prohibition visait à protéger les entreprises des risques associés aux crédits accordés par des entités non régulées.

La loi Macron : une autorisation encadrée

La loi Macron de 2015 a révolutionné ce paysage en autorisant, sous certaines conditions, les prêts entre entreprises.

Selon les dispositions de la loi Macron, un prêt inter-entreprises est désormais possible à condition qu'il existe un lien économique réel entre l'entreprise prêteuse et l'entreprise emprunteuse. Ce lien peut être un lien capitalistique, contractuel ou commercial.

Les décrets d'application et les évolutions récentes (loi Pacte)

Les décrets d'application de la loi Macron ont précisé les modalités pratiques de mise en œuvre des prêts inter-entreprises. La loi Pacte, adoptée en 2019, a apporté des clarifications et des assouplissements à ce régime.

Notamment, la loi Pacte a étendu les conditions autorisant les prêts inter-entreprises et a permis à certains types d'entreprises, auparavant exclus, d'accéder à ce mode de financement. Elle a également ajusté les plafonds et les obligations déclaratives pour tenir compte de l'évolution économique et des besoins des entreprises.

Les conditions pour réaliser un prêt inter-entreprises

Le lien économique : une exigence fondamentale

La condition sine qua non pour qu'un prêt inter-entreprises soit légal est l'existence d'un lien économique entre l'entreprise prêteuse et l'entreprise emprunteuse. Ce lien n'est pas une simple formalité administrative ; il doit être réel et substantiel.

Un lien contractuel se manifeste lorsque les deux entreprises sont parties à un contrat commercial, de prestation de services ou d'approvisionnement. Un lien au sein du même groupe de sociétés est également reconnu.

L'absence de lien économique véritable constitue une violation grave de la réglementation et peut entraîner la requalification du prêt ou l'application de sanctions.

Exemples de liens économiques reconnus

Pour illustrer ce concept, voici plusieurs exemples de liens économiques acceptables selon la jurisprudence et la pratique bancaire :

  • Un groupe de sociétés où l'entreprise prêteuse est une holding détenant l'entreprise emprunteuse.
  • Une relation client-fournisseur de longue durée justifiant un soutien financier de la part du client.
  • Une concession de licence d'exploitation de brevet où le concédant soutient le concessionnaire.
  • Une franchise où le franchiseur accorde un crédit au franchisé.
  • Un partenariat stratégique dans le même secteur d'activité.

Tous ces liens, à condition qu'ils soient documentés et vérifiables, constituent des liens économiques valides.

Les entreprises éligibles au prêt (prêteuse et emprunteuse)

Toutes les entreprises ne sont pas éligibles pour participer à un prêt inter-entreprises.

Cependant, certaines exclusions existent. Les entreprises soumises à des régimes spéciaux, notamment certaines entités du secteur financier ou les assurances, sont exclues.

Les sociétés en difficulté ou en liquidation ne peuvent pas être entreprise prêteuse.

Pour l'entreprise emprunteuse, il n'existe pas de restrictions majeures, sauf si elle est elle-même un établissement de crédit ou en situation de crise financière manifeste.

Plafonnement des montants des prêts inter-entreprises

La limite globale des prêts accordés par l'entreprise prêteuse

L'un des piliers de la réglementation des prêts inter-entreprises concerne les plafonds de montants.

L'article du code monétaire et financier impose une limite globale : l'ensemble des prêts accordés par une entreprise prêteuse ne peut pas dépasser un certain montant, généralement calculé par rapport à son capital social ou son excédent brut d'exploitation.

Cette limite vise à éviter qu'une entreprise n'accumule des expositions de crédit disproportionnées par rapport à sa taille ou sa capacité financière.

La limite individuelle pour l'entreprise emprunteuse

Au-delà de la limite globale, il existe également une limite individuelle pour chaque prêt consenti à l'entreprise emprunteuse. Un seul prêt accordé à une même entreprise emprunteuse ou un membre du groupe de celle-ci ne peut pas excéder un montant défini, souvent fixé en fonction du capital social de l'emprunteur.

Cette limite individuelle peut être augmentée sous certaines conditions, notamment si le montant du prêt a un objet commercial justifié et documenté.

Cas des PME, ETI et grandes entreprises

Les règles de plafonnement diffèrent selon la taille de l'entreprise. Pour les petites et moyennes entreprises, les plafonds sont généralement plus stricts. Les entreprises de taille intermédiaire eti bénéficient de régimes intermédiaires. Les grandes entreprises, qui représentent moins de risque pour leurs pairs, peuvent bénéficier de plafonds plus élevés.

Ces différenciations reconnaissent que les besoins et la capacité d'emprunt varient en fonction de la taille et de la structure de l'entreprise. Un petit prêteur ne peut pas s'exposer de la même manière qu'une grande multinationale.

Comment mettre en place un prêt inter-entreprises ?

La rédaction d'un contrat de prêt : les clauses essentielles

Pour qu'un prêt inter-entreprises soit légal et sécurisé, il est impératif de rédiger un contrat écrit. Ce contrat doit contenir un certain nombre de clauses essentielles pour être conforme au cadre légal et protéger les intérêts de l'entreprise prêteuse.

Les clauses essentielles incluent :

  • l'identification précise des parties,
  • la description du lien économique justifiant le prêt,
  • le montant du prêt, la durée du prêt,
  • le taux d'intérêt ou l'absence d'intérêt avec justification,
  • les conditions de remboursement,
  • les pénalités en cas de défaut,
  • les éventuelles conditions suspensives.

Le contrat doit également clarifier l'objet du prêt et expliquer comment il s'inscrit dans la relation économique existante entre les entreprises. Cette documentation est cruciale en cas de contrôle fiscal ou de contestation ultérieure.

Les obligations déclaratives : où et comment déclarer ?

Une fois le contrat signé, l'entreprise prêteuse doit remplir certaines obligations déclaratives. Ces déclarations permettent à l'administration d'exercer un contrôle sur le respect de la réglementation.

Principalement, la déclaration doit être faite auprès de la Banque de France et de l'administration fiscale. L'entreprise prêteuse doit mentionner les prêts accordés dans son rapport de gestion annuel et ses comptes annuels. Le commissaire aux comptes, s'il existe, doit vérifier la conformité des opérations.

Les obligations pour l'entreprise prêteuse

L'entreprise prêteuse supporte plusieurs obligations légales :

  • Elle doit s'assurer que le lien économique existe réellement et qu'il est documenté.
  • Elle doit vérifier que le montant du prêt respecte les plafonds prévus.
  • Elle doit établir un contrat écrit et le conserver aux fins de preuve.

En matière de gestion, l'entreprise prêteuse doit aussi assurer le suivi de la trésorerie nette impactée par ce prêt et veiller à ce que ses capitaux propres ne soient pas diminués de manière significative par cette opération.

Les conditions financières et comptables

Les conditions financières du prêt inter-entreprises doivent être conformes aux normes comptables et aux exigences du code monétaire et financier.

Concrètement, il est recommandé que l'excédent brut d'exploitation ou les capitaux propres de l'entreprise prêteuse demeurent positifs après l'octroi du prêt.

Le rôle du commissaire aux comptes

Le commissaire aux comptes joue un rôle important dans le contrôle de la légalité des prêts inter-entreprises.

Il doit vérifier lors de chaque clôture d'exercice que les prêts accordés sont conformes à la réglementation, que les plafonds sont respectés et que les conditions prévues au contrat sont bien exécutées.

Si le commissaire aux comptes détecte une anomalie ou une violation, il en informera l'entreprise et les organes dirigeants, et peut, le cas échéant, en faire mention dans son rapport.

Avantages et limites du prêt inter-entreprises

Les avantages pour la trésorerie et le financement

Le prêt inter-entreprises offre des avantages certains. Pour l'entreprise emprunteuse, cela représente une alternative au crédit bancaire, souvent moins rapide et plus bureaucratique. La trésorerie nette de l'entreprise emprunteuse peut être améliorée rapidement, sans délai de montage complexe.

Pour l'entreprise prêteuse, accorder un prêt inter-entreprises peut être un moyen de soutenir un partenaire stratégique, de maintenir une relation commerciale ou de valoriser ses excédents de trésorerie. Contrairement aux placements bancaires, cela peut générer un retour plus attractif.

Pour un groupe de sociétés, les prêts inter-entreprises facilitent l'optimisation globale de la trésorerie nette au niveau du groupe, permettant aux filiales bien pourvues de soutenir les filiales en besoin de financement.

Les risques et les précautions à prendre

Néanmoins, les risques existent. L'entreprise prêteuse s'expose au risque de défaut de remboursement de l'entreprise emprunteuse. Elle supporte également le risque de réinterprétation fiscale ou d'une requalification du contrat par les autorités.

Les précautions essentielles incluent :

  • une documentation rigoureuse du lien économique,
  • une rédaction soignée du contrat,
  • le respect strict des plafonds,
  • une gestion prudente de la trésorerie.
  • des clauses de remboursement anticipé en cas de dégradation financière de l'emprunteur.

Le risque de requalification du prêt

L'une des préoccupations majeures concerne la requalification du prêt par l'administration fiscale ou les tribunaux.

Si un prêt inter-entreprises est jugé non conforme à la réglementation, il peut être requalifié en :

  • don,
  • en apport en capital
  • en prêt déguisé, avec des conséquences fiscales et comptables graves.

Une requalification en don entraînerait des impôts sur les revenus distribués. Une requalification en apport en capital modifierait la structure capitalistique des sociétés. Ces risques rendent la conformité légale absolument nécessaire.

Différence avec le crédit inter-entreprises

Il ne faut pas confondre le prêt inter-entreprises avec le crédit inter-entreprises. Le crédit inter-entreprises est un produit financier proposé par une entreprise de crédit ou de financement, où une entreprise cliente accorde un crédit à une autre entreprise cliente. C'est un service financier régulé et encadré différemment.

Le prêt inter-entreprises, en revanche, est l'opération directe de prêt consentie par une entreprise à une autre, sans intermédiaire financier. Les règles applicables sont distinctes, notamment en matière d'obligations informationnelles et de régulation.

Sanctions en cas de non-respect de la réglementation

Les violations de la réglementation sur les prêts inter-entreprises peuvent entraîner des sanctions graves. Le non-respect des plafonds de montants peut résulter en amendes administratives ou fiscales. L'absence de contrat écrit ou de lien économique justifié peut mener à une requalification du prêt et à des redressements fiscaux.

L'administration fiscale peut également appliquer des pénalités pour absence de conformité, majorations de droits, ou pénalités de retard. En cas de fraude caractérisée, les responsables peuvent faire face à des poursuites pénales.

Prêt inter-entreprises : une opportunité pour les PME ?

Pour les petites et moyennes entreprises, le prêt inter-entreprises représente une véritable opportunité. Dans un contexte où l'accès au crédit bancaire demeure souvent difficile et coûteux pour les PME, la possibilité de solliciter du financement auprès d'un partenaire commercial ou d'une société mère offre une alternative précieuse.

Un prêt inter-entreprises peut financer :

  • l'acquisition d'équipements,
  • le fonds de roulement,
  • la croissance interne ou externe
  • la gestion de périodes de trésorerie difficiles.

Avec une durée d'exercice cohérente et une trésorerie nette positive, une PME peut accéder à ce mode de financement sans les frais d'intermédiation des banques.

Cependant, cette opportunité ne doit pas faire oublier l'importance de respecter scrupuleusement le cadre légal. Une PME qui empruntrait sans contrat écrit ou sans lien économique vérifiable s'exposerait à des risques significatifs.

FAQ : Vos questions sur le prêt inter-entreprises

Non, un prêt inter-entreprises n'est légal que s'il respecte les conditions posées par le code monétaire et financier. Il doit notamment exister un lien économique entre les parties, le montant doit respecter les plafonds fixés, et le contrat doit être écrit et conforme à la réglementation.

Quels sont les risques si le prêt n'est pas conforme ?

Les risques incluent la requalification du prêt par l'administration fiscale, l'application d'amendes et de pénalités, des redressements fiscaux, et la nullité potentielle du contrat devant les tribunaux. L'entreprise prêteuse supporte le plus grand risque en cas de non-conformité.

Qui peut m'aider pour un prêt inter-entreprises ?

Vous pouvez consulter un avocat en droit financier, un expert-comptable, ou un conseil en gestion d'entreprise. Ces professionnels peuvent vous aider à rédiger un contrat conforme, à documenter le lien économique et à respecter les obligations déclaratives.

En résumé : les points clés du prêt inter-entreprises

Le prêt inter-entreprises est une opportunité de financement alternative pour les entreprises, encadrée par le code monétaire et financier. Il exige un lien économique réel, le respect de plafonds de montants strictement définis, et la rédaction d'un contrat écrit détaillé.

Les obligations déclaratives et comptables doivent être scrupuleusement respectées pour éviter une requalification du prêt. Le commissaire aux comptes joue un rôle de contrôle important.

En 2025, le régime des prêts inter-entreprises continue d'évoluer, avec une tendance générale à l'assouplissement. Cependant, la prudence et la documentation rigoureuse restent les maîtres mots pour tout entrepreneur envisageant cette solution de financement.


Mon conseil final : Avant de consentir ou de solliciter un prêt inter-entreprises, consultez un professionnel du droit bancaire. Un contrat bien rédigé et conforme à la réglementation est un investissement qui préservera votre sécurité juridique et votre tranquillité d'esprit.

Avocat Pierre

Je suis Maître Pierre, avocat en droit bancaire inscrit au barreau de Paris depuis 2003. Vous rencontrez une problématique et avez besoin d'aide ? Discutons-en.


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