Le cautionnement

Preuve de l’information annuelle de la caution

L'information annuelle de la caution constitue un dispositif fondamental de protection pour toute personne s'engageant à garantir les dettes d'un tiers. Dans ce cadre, fournir une preuve de l'information annuelle de la caution peut s'avérer crucial. En tant qu'avocat en caution bancaire, j'accompagne régulièrement des cautions confrontées à des manquements bancaires dans l'exécution de cette obligation.

La récente décision de la Cour de cassation du 18 juin 2025 n°23-14 vient renforcer significativement les exigences probatoires pesant sur les établissements de crédit, offrant ainsi de nouvelles perspectives contentieuses aux cautions.

L'obligation d'information annuelle de la caution : un pilier de la protection

Comprendre le dispositif : une réforme majeure en 2021

L'article L 313-22 du Code monétaire et financier impose aux établissements de crédit une obligation stricte : informer chaque année les cautions personnes physiques du montant du principal restant dû ainsi que de la date de la prochaine échéance du prêt garanti.

Cette obligation d'information, renforcée par l'ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021, s'inscrit dans une volonté législative de protéger les cautions contre les risques d'un engagement dont elles perdraient la trace au fil du temps.

Le créancier professionnel doit respecter cette obligation d'information annuelle sous peine de déchéance.

La finalité de l'information : garantir la transparence pour la caution

Cette exigence d'information répond à un objectif simple mais essentiel : permettre à la caution de suivre l'évolution de son engagement et d'anticiper les éventuelles difficultés du débiteur principal.

Sans cette information régulière, une caution peut se retrouver confrontée, après plusieurs années de silence bancaire, à une dette dont elle ignorait l'ampleur réelle.

Le créancier doit donc justifier de l'envoi annuel de cette information.

La décision clé de la Cour de cassation du 18 juin 2025 : une exigence probatoire renforcée

Les faits marquants de l'affaire

L'affaire ayant donné lieu à cet arrêt illustre parfaitement les enjeux pratiques de cette obligation.

En l'espèce, en 2017, un établissement de crédit accorde un prêt de 45 000 euros à une société, garanti par le cautionnement d'une personne physique.

Suite à la liquidation judiciaire de l'emprunteur, l'établissement se retourne contre la caution. Celle-ci conteste alors avoir été régulièrement informée chaque année, invoquant la déchéance du droit aux intérêts du créancier professionnel.

Les juges du fond, en l'occurrence la Cour d'appel, avaient initialement donné raison à l'établissement, estimant que les constats d'huissier de justice et les copies de lettres produites suffisaient à établir la preuve de l'information. C'était sans compter sur l'intervention de la chambre commerciale de la Cour de cassation.

La position de la Cour de cassation : la preuve individualisée est primordiale

La chambre commerciale a censuré cette décision en posant un principe clair : il ne suffit pas à l'établissement de crédit de prouver qu'il a procédé globalement à des envois annuels de lettres d'information.

Il doit impérativement démontrer que la caution concernée figure nominativement sur les listings d'envoi vérifiés par le commissaire de justice, conformément aux textes applicables.

Cette exigence d'individualisation de la preuve constitue une avancée majeure.

Même si l'établissement produit des constats attestant l'envoi de milliers de lettres chaque année, si le nom de la caution en cause n'apparaît pas expressément sur le listing contrôlé par le commissaire de justice, la preuve demeure insuffisante.

L'absence du nom de la caution sur le listing rend moins vraisemblable l'envoi effectif de l'information à cette personne en particulier. Le créancier doit justifier de manière précise de l'envoi des lettres d'information.

La sanction du manquement : la déchéance du droit aux intérêts

La sanction prévue par la loi en cas de défaut d'information annuelle est lourde de conséquences pour l'établissement bancaire : la déchéance du droit aux intérêts échus depuis la dernière information jusqu'à la suivante.

Dans la pratique, lorsqu'un établissement ne peut pas justifier plusieurs années d'information successive, le montant des intérêts dont il est déchu peut représenter des sommes considérables, soulageant d'autant la caution dans son obligation de paiement.

Cette solution jurisprudentielle protège efficacement les cautions contre les créanciers professionnels défaillants.

Enseignements pratiques pour les cautions et les établissements bancaires

Les nouvelles exigences en matière de preuve

Conformément à la jurisprudence constante, l'information de la caution constitue un fait juridique qui peut se prouver par tout moyen. Toutefois, la chambre commerciale de la Cour de cassation précise les modalités concrètes de cette preuve. L'établissement doit produire deux éléments cumulatifs :

  • D'une part, la copie de la lettre d'information personnalisée adressée à la caution concernée, mentionnant le montant du principal restant dû et la date de la prochaine échéance.
  • D'autre part, la preuve de l'envoi effectif de cette lettre, qui peut résulter de procès-verbaux de commissaires de justice attestant des envois annuels. Ces constats d'huissier peuvent porter sur un contrôle par sondage de l'édition, du contenu, de la mise sous pli et de l'expédition des lettres.

Mais attention, le point crucial réside dans le fait que le nom de la caution doit impérativement figurer sur le listing d'envoi visé par le commissaire de justice. Sans cette mention nominative, la preuve globale des envois ne suffit pas à établir que la caution en cause a effectivement été informée. Le créancier professionnel doit justifier de l'envoi à titre individuel.

Il convient également de souligner que l'établissement doit justifier de l'envoi de la lettre, et non sa réception par la caution. Cette distinction est importante car elle allège la charge probatoire de l'établissement bancaire, tout en maintenant une exigence de rigueur dans la constitution du dossier de preuve selon la solution retenue par la jurisprudence.

L'information annuelle comme arme contentieuse pour les cautions

Pour les cautions assignées en paiement, la vérification de la régularité de l'obligation d'information annuelle constitue désormais un réflexe incontournable. Lors de l'examen du dossier, je vérifie systématiquement que l'établissement produit non seulement les lettres d'information, mais également les listings nominatifs contrôlés par commissaire de justice, conformément à l'article L 313-22 du Code monétaire et financier.

L'absence de mention du nom de la caution sur ces listings ouvre la voie à une contestation sérieuse et à l'obtention de la déchéance des intérêts et accessoires. Dans de nombreux dossiers, cette déchéance peut représenter 30 à 40% du montant total réclamé par l'établissement, constituant ainsi un levier de négociation considérable.

En cas de défaut d'information, la demande de déchéance doit être systématiquement formée.

La vigilance requise dès la souscription du cautionnement

Mon conseil aux dirigeants et aux particuliers qui envisagent de se porter caution : conservez précieusement toute la documentation relative à votre engagement, et notamment les lettres d'information annuelle que vous recevrez. Leur absence constituera un indice sérieux d'un manquement bancaire. Le respect de l'obligation d'information par le créancier doit être vérifié tout au long de la durée de la garantie.

Je recommande également de tenir un registre personnel mentionnant les dates de réception des informations annuelles. Cette démarche simple peut s'avérer précieuse en cas de contentieux ultérieur, même si la charge de la preuve pèse sur l'établissement. L'ancien article L 313-22, applicable avant la réforme, prévoyait déjà cette obligation.

L'importance de l'accompagnement juridique pour sécuriser votre engagement

Sécuriser l'engagement de caution dès l'origine

Faire appel à un avocat spécialisé avant de signer un acte de cautionnement permet d'anticiper les risques et de négocier des clauses protectrices. Je veille notamment à ce que mes clients comprennent pleinement la portée de leur engagement et les obligations qui pèseront sur l'établissement, notamment en matière d'obligation d'information annuelle prévue par l'article L 313-22.

Contester la validité de la preuve en cas de litige

Lorsqu'une caution est assignée en paiement, l'analyse technique du dossier de preuve produit par l'établissement nécessite une expertise juridique pointue.

L'arrêt rendu le 18 juin 2025 n°23-14 par la chambre commerciale démontre que des éléments de preuve qui peuvent sembler suffisants à première vue, tels que les constats d'huissier ou copies de lettres, peuvent en réalité présenter des failles exploitables. La jurisprudence récente impose au créancier de justifier de l'envoi individualisé.

Mon intervention permet d'identifier ces failles et de construire une stratégie de défense efficace, visant notamment à obtenir la déchéance du droit aux intérêts de l'établissement. En cas de défaut d'exécution de l'obligation d'information, la demande de déchéance est fondée.

FAQ : vos questions sur l'information annuelle de la caution

Qu'est-ce que l'information annuelle de la caution ?

Il s'agit de l'obligation pour l'établissement d'informer chaque année la caution personne physique du montant du principal restant dû et de la date de la prochaine échéance du prêt qu'elle garantit. Cette information doit être envoyée par écrit, généralement par courrier. L'article 313-22 du Code monétaire et financier encadre cette obligation applicable à tous les créanciers professionnels.

Comment l'établissement peut-il prouver l'envoi de cette information ?

Depuis l'arrêt du 18 juin 2025, l'établissement doit produire la copie de la lettre d'information personnalisée et justifier de son envoi par la production de procès-verbaux de commissaire de justice. Le point crucial est que le nom de la caution doit figurer sur le listing d'envoi vérifié par ce commissaire. Un simple constat d'huissier global ne suffit pas.

Quelle est la sanction en cas de défaut d'information ?

La sanction est la déchéance du droit aux intérêts échus depuis la dernière information régulièrement donnée jusqu'à la suivante. Cette sanction peut représenter des sommes importantes lorsque le manquement porte sur plusieurs années. Les accessoires de la dette peuvent également être concernés par cette déchéance selon les cas d'espèce.

Les nouvelles règles s'appliquent-elles aux anciens cautionnements ?

Oui, l'obligation d'information annuelle et les exigences probatoires s'appliquent à tous les cautionnements en cours, quelle que soit leur date de souscription, dès lors que le prêt garanti n'est pas intégralement remboursé. La durée de la garantie importe peu, seule compte l'application des textes en vigueur. L'ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 a renforcé ces obligations.

Quel est l'intérêt pratique pour un dirigeant caution ?

Pour un dirigeant qui se porte caution des dettes de sa société, la vérification de la régularité de l'information annuelle peut permettre d'obtenir une réduction substantielle de sa dette en cas de mise en cause par l'établissement. Cet argument contentieux constitue souvent un levier de négociation décisif dans le cadre d'un règlement amiable. Le respect par les créanciers de cette obligation est contrôlé avec rigueur par la jurisprudence.


Maître Guillaume PIERRE
Avocat en caution bancaire

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Avocat Pierre

Je suis Maître Pierre, avocat en droit bancaire inscrit au barreau de Paris depuis 2003. Vous rencontrez une problématique et avez besoin d'aide ? Discutons-en.


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