
Caution disproportionnée : comment la contester ?
Caution disproportionnée : comment la contester dans le cadre d'un prêt bancaire ou d'un financement professionnel ?
Il n'est pas rare que la banque exige une caution personnelle de la part du dirigeant ou d'un proche du débiteur.
Cependant, il arrive que cet engagement soit jugé excessif par rapport aux capacités financières de la personne caution. On parle alors de caution disproportionnée, une situation que la loi et la jurisprudence encadrent de plus en plus strictement, notamment via le droit bancaire et l'article 2300 du Code civil.
Selon les cas, l'intervention d'un avocat en caution bancaire peut s'avérer décisive pour défendre vos intérêts contre la banque.
Je maîtrise la jurisprudence relative au cautionnement disproportionné et peux vous aider à contester un engagement de caution manifestement disproportionné.
Qu'est-ce qu'une caution disproportionnée ?
Une caution disproportionnée est un engagement de garantie dont le montant est excessif par rapport aux revenus, au patrimoine ou aux charges de la personne physique qui s'est portée caution lors de la signature de l'acte de cautionnement.
Ce type de situation est fréquent lorsque la banque ne vérifie pas correctement la solvabilité du garant ou abuse de la position de ce dernier. Généralement, le créancier professionnel a un devoir de vérification.
Selon l'article 2300 du Code civil, si l'engagement de caution était, lors de sa conclusion, disproportionné, il peut être réduit par le juge ou même annulé dans certains cas.
Pour apprécier la proportionnalité, il faut considérer le montant de l'engagement de la caution, en principal et accessoires, d'une part, et ses revenus et son patrimoine, d'autre part. Il faut que la disproportion apparaisse a posteriori comme évidente. Par exemple, lorsque le montant du prêt dépasse manifestement les capacités de remboursement du débiteur et de la caution.
Conditions de contestation du cautionnement disproportionné
Seules les personnes physiques sont protégées par cette règle, et seuls les banques y sont soumises. Le droit protège ainsi la caution personne physique contre un engagement manifestement disproportionné.
La disproportion s'apprécie au regard de l'endettement global de la caution, y compris celui résultant d'autres engagements de caution antérieurs. Le créancier doit, en pratique, vérifier la situation financière du garant et s'assurer que la dette garantie reste proportionnée.
Lorsqu'il y a pluralité de cautions, le caractère disproportionné s'apprécie individuellement pour chaque caution. Lorsque deux personnes se sont portées cautions solidaires et qu'elles peuvent donc se voir réclamer chacune le paiement intégral de la dette, la proportionnalité de leur engagement est appréciée au regard des revenus de chacune d'elles.
Quels sont les recours en cas de caution disproportionnée ?
La contestation disproportion de l'engagement repose principalement sur la preuve que la caution n'était pas en mesure de payer, raisonnablement, l'engagement lors de la signature. Voici les étapes clés à suivre pour se défendre :
1. Vérifier vos éléments financiers au jour de la signature
Pour contester, il faut prouver que vos ressources (salaires, revenus, biens) étaient insuffisantes pour garantir les sommes en jeu. Le seuil disproportionné n'est pas fixé par la loi, mais les tribunaux estiment en général qu'un engagement ne doit pas dépasser ce que la caution pouvait assumer sans mettre en péril son équilibre financier. L'absence d'information claire peut également constituer un motif de contestation.
2. Rassembler les preuves
Pour établir le caractère disproportionné de la caution, il est essentiel de fournir :
- Vos déclarations fiscales de l'année concernée
- Vos bulletins de salaire ou revenus professionnels
- Vos relevés de comptes ou de patrimoine
- Une estimation de vos charges et dettes personnelles
Un avocat spécialisé en droit bancaire pourra vous aider à constituer un dossier solide. Le cabinet d'avocats pourra également analyser le contrat de cautionnement et l'acte de cautionnement signé, notamment au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation.
3. Rôle de la fiche de renseignements et anomalies apparentes
En pratique, la banque demande à la personne qui se porte caution de compléter une fiche patrimoniale mentionnant ses biens et revenus. Cette fiche a été au cœur de nombreuses décisions de la Cour de cassation.
La banque peut en principe se fier aux informations fournies par la caution, sauf anomalie apparente dans la fiche. En l'absence d'anomalie, le créancier professionnel n'est non tenu de vérifier systématiquement.
« La Cour de cassation admet ainsi que le créancier peut se prévaloir des déclarations contenues dans la fiche de renseignements, affirmant que la caution qui a rempli, à la demande d'une banque, une fiche de renseignements relative à ses revenus et charges annuels et à son patrimoine, « dépourvue d'anomalies apparentes sur les informations déclarées, ne peut, ensuite, soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle a déclarée au créancier » (Cass. Com., 4 avril 2024, n° 22-21880). »
En l'absence d'anomalies apparentes, la banque n'est pas tenue de vérifier les biens et revenus déclarés par la caution au moment où elle s'engage. La Cour de cassation a été amenée à préciser cette obligation à plusieurs reprises, notamment concernant le devoir d'information du créancier.
L'anomalie apparente, notion qui n'est pas définie, permet donc, par exception au principe rappelé ci-dessus, à la caution d'être déliée de ses déclarations. Elle est toutefois rarement retenue par la Cour de cassation, qui l'apprécie très restrictivement. La cassation peut intervenir si le premier juge n'a pas correctement apprécié la disproportion.
4. Contester devant le juge
En cas d'excès de caution bancaire, vous pouvez engager une procédure devant le tribunal judiciaire (ou tribunal des activités économiques si vous êtes dirigeant). La demande peut être faite de manière principale ou dans le cadre d'une défense lorsque la banque vous poursuit. L'action en justice peut porter sur la validité du cautionnement et la dette garantie.
Le juge peut :
- Réduire le montant de la caution à un niveau acceptable
- Annuler totalement l'engagement de caution
- Sanctionner la banque pour manquement à son devoir de mise en garde
5. Sanction attachée à la disproportion
Depuis le 1er janvier 2022, la sanction est la réduction de l'engagement au montant à hauteur duquel la caution pouvait s'engager à la date de la souscription, conformément à l'article 2300 applicable en droit français.
Avant le 1er janvier 2022 (ancien article L. 332-1 du Code de la consommation), la sanction était la décharge totale de la caution, sauf si, lorsqu'elle est appelée, son patrimoine permet de faire face à l'obligation.
La charge de démontrer que la caution peut faire face à son obligation lorsqu'elle est appelée pèse sur la banque. Par exemple, le créancier devra prouver la capacité de paiement du débiteur principal et de la caution, notamment en cas de crédit à une société ou une entreprise.
La banque doit démontrer que le patrimoine de la caution lui permet de répondre à son obligation lorsqu'elle est appelée, cette charge de la preuve pesant sur le créancier selon la Cour de cassation.
Quelles sont les chances de succès ?
Les tribunaux reconnaissent de plus en plus le seuil disproportionné de caution comme critère de validité de l'engagement. Toutefois, le succès de votre recours dépendra de la qualité des preuves apportées et de l'analyse juridique du contrat signé. La jurisprudence en matière de cautionnement évolue constamment, notamment à Paris et dans les cours d'appel.
Certaines décisions vont jusqu'à priver totalement la banque de ses droits contre la caution lorsqu'un abus banque ou une défaillance dans l'engagement de caution est prouvé.
La Cour de cassation a notamment précisé les obligations du créancier professionnel en matière d'information et de mise en garde, particulièrement pour un engagement de caution au profit d'une société.
En conclusion
Vous vous sentez piégé par une caution disproportionnée ? Vous n'êtes pas sans recours.
Le droit protège la personne physique qui s'est engagée en tant que caution pour une société ou une entreprise, notamment via le Code de la consommation et les articles du Code civil.
Pour toute démarche, je vous conseille de solliciter mon assistance pour vérifier la conformité de votre situation aux dernières évolutions légales et jurisprudentielles des cautions.
Je saurai analyser votre acte de cautionnement, les obligations du banquier, et les conséquences potentielles de la dette garantie.


Prêt bancaire professionnel , dans l’incapacité de continuer à payer suite à une incapacité de travail. Je suis caution personnel d’un prêt global de quasiment 170.000 euros et j’ai un avis d’impôt à 22.000 euros le jour de la souscription du prêt avec ma résidence principale estimé à 130.000 euros. On m’a notifié d’une caution disproportionné, que puis-je faire ? merci de votre réponse Maître PIERRE.
Cher Monsieur,
Votre situation relève effectivement d’un cautionnement potentiellement disproportionné, au sens de l’article L.332-1 du Code de la consommation (ancien L.341-4).
En résumé :
Lorsqu’une personne physique se porte caution d’un prêt professionnel, la banque a l’obligation de vérifier la proportion de cet engagement au moment de la signature, en tenant compte de ses revenus, charges et patrimoine.
Si l’engagement était manifestement disproportionné à vos capacités financières au jour de la souscription, la caution ne peut être tenue que dans la limite de ses biens et revenus actuels, sauf si son patrimoine s’est ensuite significativement amélioré.
Dans votre cas, un prêt global de 170 000 € pour un revenu fiscal de 22 000 € et une résidence principale de 130 000 € paraît effectivement disproportionné, surtout si ce bien constitue l’essentiel de votre patrimoine.
Vous disposez donc d’un argument sérieux pour contester l’appel en paiement de la banque ou de l’organisme de caution (type BPI, société de caution mutuelle, etc.). Cette contestation se fait devant le tribunal judiciaire, généralement par voie d’assignation, après analyse complète du dossier (contrat de prêt, acte de cautionnement, fiches de renseignements patrimoniaux, etc.).
Enfin, votre incapacité de travail et la cécité peuvent aussi justifier un examen du contrat d’assurance emprunteur : si une garantie « incapacité totale et définitive de travail » ou « invalidité » était prévue, elle pourrait couvrir le prêt, voire éteindre la dette.
En pratique :
– Récupérez la copie de l’acte de cautionnement et la fiche de renseignements patrimoniaux remise à la banque.
– Vérifiez les déclarations patrimoniales faites à la signature.
– Fixer un RDV à mon cabinet pour une analyse précise de la proportionnalité et une éventuelle action en décharge ou réduction de la caution.
Bien cordialement