La caution et le devoir de mise en garde du banquier
La caution bancaire et le devoir de mise en garde du banquier sont deux notions qui se rapprochent lorsque la banque poursuit le débiteur principal.
Une caution peut-elle invoquer un manquement à un devoir de mise en garde de la banque ?
Une caution peut toujours invoquer une faute commise par la banque dans son rapport avec le débiteur principal dès lors que cette faute lui a porté préjudice.
La caution peut également engager la responsabilité de la banque au titre d’un devoir de mise en garde dont elle serait personnellement créancière.
Il faut pour cela regarder la date de signature de l’engagement de caution
Le cautionnement solidaire bancaire signé avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 15 septembre 2021
Si l’acte de cautionnement a été signé avant cette ordonnance, il convient de se poser la question de la qualité de caution avertie ou non avertie.
La caution doit ainsi démontrer qu’elle ne disposait pas des compétences, d’une connaissance du secteur professionnel er d’une expérience telles qu’elle ne pouvait être considérée comme une caution avertie.
Ainsi, la simple qualité de conjoint d’un emprunteur averti ne permet pas à elle seule de retenir cette qualité.
Une personne ne sera qualifiée de caution avertie que si son implication dans la société en liquidation judiciaire est rapportée ou si elle est associée majoritaire de la société.
Si la caution n’est pas impliquée dans la gestion de la société, qu’elle a par ailleurs sa propre activité sans rapport avec ce domaine d’activité, l’avocat d’une caution bancaire pourra soulever cet argument tenant à un manquement à cette obligation de mise en garde.
Le devoir de mise en garde du banquier
Il s’agit de veiller à ce que le banquier professionnel attire l’attention sur les risques d’échec de remboursement du prêt accordé à la société et donc du risque pour la caution de se voir actionnée.
De plus, la caution doit être aussi mise en garde contre les risques que présente son propre engagement de caution au regard de sa propre situation financière.
Ainsi, il a pu être jugée que manquait à son devoir de mise en garde le créancier professionnel qui n’avait pas averti la caution des risques qu’elle prenait en garantissant une opération principale dont le montant était disproportionné avec ses propres revenus.
La banque est tenue à l’égard des cautions non averties d’un devoir de mise en garde à raison de leurs capacités financières et du risque de l‘endettement né de l’octroi des prêts, cette obligation n’étant pas limitée au caractère disproportionné de leur engagement au regard de leurs biens et ressources (Cass civ 14 octobre 2015 n°14-14.531).
Les conséquences du manquement de la banque à son devoir de mise en garde
Qu’elle réparation peut demander la caution en cas de faute de la banque sur son devoir de mise en garde ?
Le préjudice de la caution qui n’a pas été avertie des risques encourus est une perte de chance de ne pas se porter caution.
S’agissant d’une perte de chance, la réparation ne peut être intégrale de sorte que les dommages et intérêts ne représenteront qu’une partie des sommes dues par la caution.
Le juge prendra en considération la part d’aléa inhérent à cette perte de chance.
L’action en responsabilité de la banque doit être engagée par la caution dans les 5 années à compter du jour où elle a eu connaissance du fait qu’elle allait être assignée devant le Tribunal de commerce du fait de la liquidation judiciaire du débiteur principal (Cass com 8 avril 2021 19-12.741).
La caution signée après le 1er janvier 2022
Le devoir de mise en garde est désormais prévu à l’article 2299 du Code civil qui dispose :
Le créancier professionnel est tenu de mettre en garde la caution personne physique lorsque l’engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier.
Article 2999 du Code civil
On remarque que la référence au caractère averti ou non de la caution disparait.
Le devoir de mise en garde bénéficie à toutes les cautions personnes physiques sans distinction.
Le devoir de mise en garde est cantonné à l’opération garantie.
Il s’agit pour la banque d’attirer l’attention de la caution sur les dangers de l’opération garantie, notamment lorsque celle-ci apparaît inadaptée aux capacités financières du débiteur principal.
L’abandon de la référence au caractère inadapté de l’engagement de la caution au regard de ses capacités financières faisait double emploi avec la sanction du caractère disproportionné de l’engagement de la caution prévue à l’article 2300 du code civil :
Si le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s’engager à cette date.
article 2300 du Code civil
La sanction du manquement au devoir de mise en garde
La banque qui omet de mettre en garde la caution sur les risques présentés par le prêt principal s’expose à la déchéance de ses droits à hauteur du préjudice subi par la caution :
A défaut, le créancier est déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci.
Article 2299 du Code civil
Ainsi au lieu de condamner la banque à des dommages et intérêts, le Tribunal pourra directement réduire le montant dû par la caution.