
Crédit affecté : vos droits en cas de non-livraison ou de livraison non conforme
Le crédit affecté est un mécanisme juridique particulier : le prêt est directement lié à l’achat d’un bien ou d’une prestation de services. En cas de non-livraison ou de livraison non conforme, il est essentiel de connaître vos droits et les recours liés au crédit affecté. Ce crédit n’existe que parce que l’opération financée existe.
Lorsque le bien n’est pas livré, livré en retard, ou livré non conforme, l’emprunteur bénéficie de protections spécifiques prévues par le Code de la consommation.
Ces protections sont puissantes :
- suspension des échéances,
- résolution du contrat principal,
- annulation du crédit,
- remboursement des sommes versées.
Pourtant, dans la pratique, beaucoup d’emprunteurs ignorent leurs droits et continuent de payer un crédit pour un bien qu’ils n’ont jamais reçu ou qui n’a jamais fonctionné comme prévu.
Cet article expose précisément vos droits, les obligations du vendeur et du prêteur, et les recours efficaces en cas de litige.
Comprendre le crédit affecté : un lien indissociable entre achat et financement
Le crédit affecté est défini par l’article L. 312-45 du Code de la consommation :
Il s’agit d’un crédit destiné exclusivement à financer un contrat déterminé, qui porte sur la fourniture d’un bien ou la prestation d’un service.
Contrairement au prêt personnel ou au crédit renouvelable, le crédit affecté est juridiquement indissociable de l’opération financée.
Exemples courants
- achat d’un véhicule chez un concessionnaire,
- travaux de rénovation financés par un crédit travaux,
- achat d’un équipement ménager ou professionnel,
- formation financée par crédit,
- panneaux photovoltaïques,
- équipements domotiques.
- installation d'une pompe à chaleur
Ce type de financement est fréquent dans les secteurs où les litiges de non-livraison sont courants.
Conséquence essentielle : interdépendance des contrats
Le contrat d’achat (bien ou service) et le contrat de crédit forment une opération économique unique.
Conséquence directe :
➡️ Si l’un tombe, l’autre tombe aussi.
➡️ Si l’un est suspendu, l’autre peut l’être.
Les conditions de déblocage des fonds du crédit affecté
Vérification de la livraison ou de la prestation par le prêteur
La banque ne peut pas libérer la somme prêtée de manière arbitraire.
Elle est tenue de s'assurer que le bien a été effectivement livré ou que la prestation de services a été exécutée avant de verser les fonds au professionnel.
Cette obligation de vérification constitue une garantie essentielle pour l'emprunteur.
Dans la pratique, le prêteur doit obtenir une preuve de la livraison du bien ou de l'exécution de la prestation.
Cette preuve peut prendre la forme :
- d'un bon de commande signé,
- d'un bon de livraison,
- d'un procès-verbal de réception
- tout autre document attestant de la bonne réalisation de la vente ou de fourniture.
Il ne suffit pas que le vendeur affirme avoir livré le bien : une vérification objective doit être menée.
Les conséquences d'un déblocage fautif des fonds
Lorsque la banque ou l'organisme de crédit verse la somme au vendeur ou au prestataire sans avoir vérifié la livraison effective, elle commet une faute.
Cette négligence engage sa responsabilité et ouvre droit à des sanctions importantes.
Un déblocage prématuré des fonds place l'emprunteur dans une situation particulièrement délicate.
Vous vous retrouvez à devoir rembourser un crédit alors même que vous n'avez pas reçu le bien ou le service financé.
Dans ce cas de figure, la responsabilité du prêteur peut être recherchée conjointement avec celle du vendeur, ce qui vous offre des recours supplémentaires.
La jurisprudence considère qu'un établissement de crédit qui ne respecte pas son obligation de vérification perd son droit aux intérêts, voire au remboursement du capital.
Non-livraison du bien ou non-exécution de la prestation : que faire ?
Suspension du paiement du crédit
Votre premier réflexe doit être de suspendre immédiatement le paiement des mensualités.
Le Code de la consommation vous autorise expressément à ne plus payer tant que le vendeur ou le prestataire n'a pas exécuté ses obligations.
Cette suspension constitue une exception d'inexécution : vous n'êtes pas tenu d'honorer votre engagement si votre cocontractant ne respecte pas le sien.
Cette suspension ne doit toutefois intervenir qu'après l'expiration du délai convenu pour la livraison du bien ou la fourniture de la prestation.
Si aucun délai n'a été expressément fixé, le Code de la consommation prévoit un délai maximum de trente jours à compter de la commande pour les biens et services. Au-delà, vous êtes fondé à suspendre vos paiements.
Mise en demeure du vendeur et du prêteur
Avant d'engager toute action judiciaire, il est indispensable d'adresser une mise en demeure au vendeur ou au prestataire de services.
Ce document doit rappeler les termes du contrat de vente, constater le manquement (non-livraison ou retard), et demander l'exécution dans un délai raisonnable, généralement huit à quinze jours.
Informez la banque de la situation et indiquez que vous suspendez le remboursement du prêt.
Cette démarche permet de sécuriser votre position et d'éviter que le prêteur ne vous inscrive indûment dans un fichier d'incidents de paiement.
Annulation du contrat principal et du crédit affecté
Si le vendeur ou le prestataire ne donne pas suite à votre mise en demeure, vous pouvez demander la résolution du contrat de vente ou de prestation de services.
Cette résolution entraîne automatiquement l'annulation du contrat de crédit affecté, conformément au principe d'interdépendance des contrats.
L'annulation produit des effets rétroactifs : tout se passe comme si les contrats n'avaient jamais existé.
Le vendeur doit vous restituer les sommes versées, le cas échéant. L'organisme de crédit, quant à lui, ne peut plus exiger le remboursement du capital ni des intérêts. Si vous aviez déjà commencé à rembourser le prêt, les mensualités versées doivent vous être restituées.
Livraison d'un bien non conforme : vos recours
Droit à la non-conformité
Un bien est considéré comme non conforme lorsqu'il ne correspond pas à la description donnée par le vendeur, qu'il ne possède pas les qualités annoncées, ou qu'il est impropre à l'usage habituellement attendu.
Cette non-conformité doit être constatée dans un délai de deux ans à compter de la livraison du bien.
Votre premier recours consiste à demander la mise en conformité du bien. Le vendeur doit, à ses frais, réparer ou remplacer le produit défectueux. Cette remise en conformité doit intervenir dans un délai raisonnable et sans inconvénient majeur pour vous.
En cas d'impossibilité ou de refus, la résolution du contrat de vente ou de prestation s'impose.
Action contre le vendeur et le prêteur
En cas de livraison non conforme, votre action se dirige principalement contre le vendeur, responsable de plein droit de la conformité du bien livré.
Toutefois, l'organisme de crédit peut également être recherché s'il a versé les fonds au professionnel alors qu'il aurait dû constater la non-conformité.
La solidarité entre le vendeur et le prêteur constitue un atout majeur dans votre dossier. En pratique, cela signifie que vous pouvez demander réparation à l'un ou à l'autre, voire aux deux simultanément. Cette possibilité renforce considérablement votre position, notamment lorsque le vendeur ou le prestataire a disparu ou est insolvable.
L'action doit être menée rapidement. Dès la constatation de la non-conformité, adressez une réclamation écrite au vendeur avec copie au prêteur.
Documentez précisément les défauts constatés : photographies, constats d'huissier, expertise technique. Ces éléments de preuve seront déterminants si l'affaire aboutit devant un tribunal.
Le droit de rétractation : une protection supplémentaire
Délai de rétractation du crédit affecté
Le Code de la consommation vous accorde un délai de rétractation de quatorze jours calendaires pour renoncer à votre crédit affecté sans avoir à justifier votre décision ni à payer d'indemnité. Ce délai court à compter du jour de l'acceptation de l'offre de crédit. Il s'agit d'un droit absolu qui ne peut être remis en cause par aucune clause contraire du contrat.
Pour exercer ce droit de rétractation, vous devez adresser à la banque le formulaire de rétractation joint à l'offre de crédit, ou tout autre courrier exprimant clairement votre volonté de vous rétracter.
L'envoi doit intervenir avant l'expiration du délai de quatorze jours, la date du cachet de la poste faisant foi.
Attention toutefois : si vous avez expressément demandé que le crédit soit débloqué immédiatement pour faire face à une situation d'urgence, vous restez redevable des intérêts courus entre le déblocage des fonds et l'exercice de votre rétractation.
Le principal reste néanmoins dû et doit être remboursé dans un délai de trente jours.
Conséquences de la rétractation sur le contrat de vente
Lorsque vous exercez votre droit de rétractation sur le crédit affecté, cette décision entraîne automatiquement la résolution du contrat de vente ou de prestation de services.
Le vendeur ne peut s'opposer à cette annulation puisqu'elle découle directement du lien d'interdépendance entre les deux contrats.
Dans ce cas de figure, le vendeur ou le prestataire doit vous restituer l'ensemble des sommes que vous auriez déjà versées, y compris un éventuel acompte.
Cette restitution doit intervenir rapidement, généralement dans les trente jours suivant la rétractation. En contrepartie, vous devez restituer le bien reçu si la livraison était déjà intervenue.
Ce mécanisme de protection joue particulièrement en cas de démarchage à domicile, situation dans laquelle le consommateur se trouve souvent en position de faiblesse.
Comment réagir en cas de non-livraison ou de livraison non conforme ?
1. Conserver tous les documents
Contrat, devis, FIPEN, attestations, échanges.
2. Mettre en demeure le vendeur
Obligation préalable.
3. Informer immédiatement le prêteur
Avec pièces justificatives.
4. Suspendre les mensualités
En notifiant l’existence d’un litige sérieux.
5. Saisir le juge
Lorsque toutes les tentatives de règlement amiable ont échoué, l'action judiciaire devient inévitable.
Vous disposez d'un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle vous avez eu connaissance du manquement pour agir devant le tribunal compétent afin d'obtenir :
- la résolution du contrat,
- l'extinction du crédit,
- le remboursement.
N'hésitez pas à me consulter dès l'apparition des premières difficultés : une intervention précoce permet souvent d'éviter l'escalade du conflit et de trouver une solution amiable satisfaisante.

