La responsabilité de la banque

Le soutien abusif de la banque

Le soutient abusif de la banque connu sous le terme de soutien abusif, constitue un pan essentiel du droit des affaires et mérite une attention particulière tant pour les créanciers que pour les débiteurs.

En tant qu'avocat spécialisé en droit bancaire, je suis régulièrement confronté à des situations où des entreprises en difficulté reprochent à leur banque de les avoir maintenues artificiellement en vie par l'octroi de crédits inappropriés.

Qu'est-ce que le soutien abusif de crédit ?

Définition du soutien abusif

Le soutien abusif désigne le comportement fautif d'une banque, qui octroie des concours financiers à une entreprise dont la situation est irrémédiablement compromise.

Cette notion vise à sanctionner les établissements bancaires qui, en toute connaissance de cause, maintiennent artificiellement une société en activité alors qu'elle devrait faire l'objet d'une procédure collective.

Dans ma pratique quotidienne, je constate que le soutien abusif de crédit se manifeste notamment lorsqu'une banque continue d'alimenter le compte d'une entreprise insolvable, retardant ainsi l'inévitable cessation des paiements et aggravant le passif au détriment des autres créanciers.

Le fondement légal du soutien abusif se trouve principalement à l'article L 650-1 du Code de Commerce. Ce texte prévoit que « les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci ».

Les conditions de mise en œuvre du soutien abusif

Pour engager la responsabilité d'une banque au titre du soutien abusif, plusieurs conditions cumulatives doivent être réunies.

La situation de l'entreprise : difficulté irrémédiablement compromise

Il faut démontrer la mauvaise santé de l'entreprise au moment de l'octroi des concours. Cette notion signifie qu'elle n'avait plus aucune chance réaliste de redressement, quels que soient les efforts déployés.

La situation irrémédiablement compromise s'apprécie au regard de plusieurs critères :

  • l'importance des pertes accumulées,
  • l'insuffisance d'actif,
  • les perspectives économiques du secteur d'activité,
  • la capacité de l'entreprise à générer un flux de trésorerie positif.

L'intervention de la banque

Le deuxième élément concerne l'intervention de la banque.

Il doit s'agir de concours consentis ou maintenus postérieurement au moment où la situation était irrémédiablement compromise.

Ces concours peuvent prendre diverses formes : crédits aux entreprises, avance de trésorerie, découverts bancaires, ou tout autre financement.

La connaissance de la situation par le prêteur

La banque doit avoir eu connaissance, ou aurait dû avoir connaissance, de l'état réel de la société. Cette connaissance peut résulter des informations comptables transmises, des échanges avec les dirigeants, ou de tout élément permettant d'apprécier la situation.

Une banque ne peut se retrancher derrière son ignorance lorsqu'elle disposait d'éléments suffisants pour apprécier la réalité de la situation.

Le caractère ruineux du financement accordé

Enfin, il convient de démontrer le caractère ruineux ou inadapté du financement.

Les concours consentis doivent avoir eu pour effet d'aggraver l'insuffisance d'actif et de retarder la déclaration de cessation des paiements, causant ainsi un préjudice aux autres créanciers.

La responsabilité du banquier en cas de soutien abusif

Le devoir de vigilance du banquier

La responsabilité de la banque peut être engagée si elle manque à ce devoir de vigilance en accordant des crédits à une entreprise dont elle sait, ou devrait savoir, que la situation est irrémédiablement compromise.

L'obligation d'information et de mise en garde

Les banques ont une obligation d'information et de mise en garde envers leurs clients qui leur impose d'alerter l'entreprise lorsqu'elle constate que sa situation se dégrade dangereusement.

Une banque qui continue d'alimenter le compte d'une entreprise sans l'avertir des risques encourus peut voir sa responsabilité engagée, même en l'absence de soutien abusif caractérisé.

Les cas d'exonération de responsabilité

Pour échapper à toute responsabilité, la banque doit démontrer qu'elle n'a pas commis de faute, qu'il n'y a pas eu de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion, et que les garanties prises en contrepartie des concours consentis n'étaient pas disproportionnées.

Les conséquences du soutien abusif pour la banque

La sanction du soutien abusif 

La sanction principale du soutien abusif consiste en la perte totale ou partielle du droit de créance de la banque. Concrètement, cela signifie que dans le cadre de la procédure collective (liquidation judiciaire, redressement judiciaire), la banque fautive ne pourra pas réclamer le remboursement des sommes prêtées.

Le calcul du préjudice réparable

La banque peut aussi être condamnée à indemniser le préjudice subi par les autres créanciers ou par la société elle-même. Ce préjudice correspond généralement à l'aggravation du passif résultant du maintien artificiel de l'activité.

Le calcul du préjudice réparable nécessite souvent l'intervention d'expert comptable pour déterminer précisément l'état de l'insuffisance d'actif aux différentes dates pertinentes.

Soutien abusif et entreprises en difficultés : cas pratiques

Le retrait de concours bancaire

À l'inverse, la rupture des concours bancaires peut également engager la responsabilité de la banque. Dans ma pratique, je constate régulièrement cette tension entre deux risques opposés : maintenir un soutien devenu abusif ou procéder à un retrait fautif.

Une banque qui couperait brutalement ses financements à une entreprise viable pourrait être tenue responsable des conséquences de cette décision, notamment si elle provoque la cessation des paiements.

L'octroi de financements tardifs ou ruineux

J'ai traité plusieurs dossiers où une banque avait accordé un prêt important alors que tous les indicateurs étaient au rouge.

Ces financements tardifs ont pour effet d'aggraver le passif et de retarder l'ouverture d'une procédure collective, privant ainsi l'entreprise d'une chance de redressement par une intervention précoce du tribunal de commerce.

Le cas particulier des cautions 

La question des cautionnements se pose fréquemment en matière de soutien abusif. Lorsque les cautions prises en contrepartie des financements sont manifestement disproportionnées, cela peut caractériser un soutien abusif, conformément à l'article L 650-1 du Code de Commerce.

Dans certains dossiers, j'ai pu démontrer en tant qu'avocat en caution bancaire que les garanties prises par la banque étaient excessives par rapport aux concours octroyés, ce qui a permis d'obtenir l'annulation partielle des cautions et l'engagement de la responsabilité de la banque.

Conclusion

Au fil de mes années de pratique en droit bancaire, j'ai observé l'évolution de la notion de soutien abusif dans la jurisprudence.

Les tribunaux affinent progressivement leur appréciation, recherchant un équilibre entre la protection des créanciers et le soutien légitime aux entreprises traversant des difficultés passagères.

Pour toute question relative au soutien abusif de crédit, aux procédures collectives ou au droit des entreprises en difficulté, mon cabinet reste à votre disposition pour vous apporter un conseil personnalisé.

Avocat Pierre

Je suis Maître Pierre, avocat en droit bancaire inscrit au barreau de Paris depuis 2003. Vous rencontrez une problématique et avez besoin d'aide ? Discutons-en.


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