Sur le délai de prescription de l’action en nullité de la clause d’intérêt
La question qui se pose porte sur le temps dont dispose l’emprunteur pour contester le montant des intérêts au moyen de l’action en nullité. Le délai est de cinq ans. Reste à determiner le point de depart de la prescription de l’action.
La situation est classique un couple emprunte, des sommes remboursables par mensualités. Huit ans plus tard, l’établissement bancaire réclame à l’un des époux le paiement des échéances non acquittées. Le débiteur oppose à la demande de la banque l’exception de nullité du taux de l’intérêt stipulé dans les deux conventions de crédit. Les juges d’appel écartent ce moyen de défense au motif que la prescription de l’action en nullité intentée cinq ans après la conclusion des actes est acquise, le défendeur ne pouvant arguer qu’il a découvert tardivement le caractère erroné du taux.
Mais la chambre civile de la Cour de cassation censure cette decision au visa des articles 1304 et 1907 du code civil et L. 313-2 du code de la consommation. La Cour de cassation reproche d’avoir appliqué le régime de la prescription réservé aux professionnels alors que l’emprunteur avait manifestement la qualité de consommateur.
On observe ainsi deux positions distinctes au sein de la Cour de cassation :
- Pour les prêts consentis pour des besoins professionnels, la chambre commerciale a jugé dans trois arrêts du 10 juin 2008 que « le point de départ de cette prescription est, s’agissant d’un prêt, la date de la convention et, dans les autres cas, la réception de chacun des écrits ou des relevés de compte indiquant, ou devant indiquer, le TEG appliqué ». Ici peu importe la nature du vice affectant le taux, le point de départ de la prescription est toujours le jour où ce taux a été ou aurait dû être communiqué par écrit. Aucun report du délai n’est envisageable au motif que le client n’aurait pas eu réellement connaissance du vice. Pour les professionnels, la jurisprudence procède à une objectivation complète du jour de la connaissance, le but étant de chasser les contestations tardives du taux d’intérêt.
- Pour les prêts consentis à des particuliers, le point de depart de la prescription est le jour où le vice a effectivement été révélé à l’emprunteur, indépendamment de sa mention écrite.
Ainsi, pour les particuliers, lorsque l’examen du contenu du contrat fait apparaître l’erreur, le délai pour agir court dès la conclusion de l’acte. Mais dans ce cas, il s’agit d’une irrégularité grossière que n’importe quel client peut immédiatement détecter comme des erreurs matérielles se traduisant par des taux extravagants, excessivement hauts ou bas. L’apparence du vice entraîne une objectivation de la connaissance de l’emprunteur, qui « aurait dû connaître » l’erreur en se penchant simplement sur la convention.
La première chambre civile de la Cour de cassation retarde le déclenchement de la prescription à la date de la révélation de l’erreur à l’emprunteur. Par magnanimité envers les emprunteurs profanes, les juges estiment que les documents où le taux apparaît ne sont pas forcément à même de révéler l’irrégularité, les consommateurs n’ayant pas les compétences ou les moyens techniques de déceler les éventuelles erreurs de calcul. La différence de traitement entre l’emprunteur particulier et l’emprunteur professionnel est manifeste. A celui qui contracte pour ses besoins professionnels on demande d’être particulièrement vigilant et de vérifier l’exactitude des informations communiquées par la banque : une présomption irréfragable de connaissance du vice pèse sur lui à compter de la réception des écrits censés indiquer le TEG. Le particulier est, au contraire, censé ignorer le vice tant que celui-ci ne lui a pas été effectivement révélé, soit par un conseil, soit par suite d’une expertise de l’offre de prêt.
Il reste alors à déterminer dans quels cas une personne va être considérée comme un emprunteur non averti. Les juridictions du fond pour lesquelles ce travail de qualification est indispensable et préalable doivent tenir compte de plusieurs critères : la compétence, la catégorie socio-professionnelle, l’expérience.
De plus, c’est à celui qui oppose la prescription – et donc la banque – de prouver que son adversaire connaissait les faits lui permettant d’agir depuis plus de cinq ans. Autrement dit, la banque doit établir la connaissance anticipée du vice par l’emprunteur pour le faire juger hors-délai. Si elle n’y parvient pas – ce qui est le cas le plus probable -, l’emprunteur reste présumé être dans l’ignorance du droit d’agir, position plus confortable.
Cette prescription vaut uniquement pour l’action en nullité de l’intérêt conventionnel intentée à raison d’une erreur affectant le taux. A contrario, le principe dégagé n’est pas applicable à l’action en nullité pour défaut de mention du taux.
Aussi on distingue deux vices-: l’absence de mention du taux et l’erreur de calcul du taux.
L’omission du taux contractuel est un vice apparent qui se manifeste dès la conclusion de l’acte de prêt, le client pouvant constater que la convention présente une anomalie : le point de depart de la prescription de cinq ans est bien la date de signature de l’offre de prêt.
L’erreur dans le calcul du taux contractuel échappe à l’emprunteur – parce qu’il n’a pas la compétence technique pour l’apprécier – et dont il peut ne prendre conscience que tardivement. Le point de départ de la prescription est la révélation de l’erreur dans ce second cas.
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